vers un design émotionnel

Les Mathématiques peuvent être vues comme un « instrument d’optique » révolutionnaire, comme le furent en leur temps le microscope et le télescope. Leur redoutable efficacité, assistée par la puissance de calcul et de visualisation de nos ordinateurs, ont permis à l’expérimentation virtuelle d’envahir nos laboratoires, nos usines et nos maisons. Les images animées alors produites sont  de véritables champs d’observation que l’oeil, toujours prompt à réagir, explore dans l’espoir d’une découverte.” (Jean François Colonna, chercheur en mathématiques appliquées de l’Ecole Polytechnique)

« Rencontre(s) à l’œuvre : pour un design émotionnel » entend pratiquer interprétations critiques, expériences sensorielles, visualisation des données et design industriel pour comprendre, capter et représenter les gammes d’émotions ressenties face aux œuvres. Rendre visible la complexité des systèmes dynamiques, climatiques, météorologiques, sismiques, mais aussi financiers, écologiques ou démographiques ? Une question soulevée par les scientifiques et devenue un enjeu de société. Un enjeu pour le design qui s’intéresse au numérique et a identifié depuis longtemps la “donnée” comme un objet à modéliser, un matériau à part entière. Que ce soit la conception d’une image radar, d’une cartographie numérique, d’une image produite par résonance magnétique, tous ces objets posent très rapidement des problèmes analogues. Comment appréhender, comprendre, analyser ces données ? Comment les transformer ? Comment les manipuler ?
Choisissant trois terrains d’élection : l’école de design où s’enseigne la création, l’atelier d’artiste au sein duquel l’œuvre surgit et le musée où le patrimoine, désormais légitimé, se sanctuarise, adossé aux outils intellectuels fabriqués par André Malraux et Gaëtan Picon qui théorisent la rencontre amoureuse provoquée par des œuvres « héroïques en présence », ce programme de recherche se saisit de l’interdisciplinarité.
De fait, hors de la seule étude du « coup de foudre esthétique » (cf. Agnès Callu, Histoire d’un coup de foudre esthétique, Paris, Nouvelles Editions Jean-Michel Place, 2017) téléologique et sismique, il entend créer une « machine » susceptible d’enregistrer les réactions sensibles de l’individu au contact d’une œuvre. En sorte que, dès lors, les manifestations physiques sont identifiées, qualifiées (variations de l’intensité), quantifiées et qu’une interface graphique est proposée afin de traduire visuellement les données. Représenter l’élan amoureux comme Edward Lorenz (1963) représentait les phénomènes météorologiques basés sur la mécanique des fluides : Les attracteurs de Lorenz. De ses observations est née la théorie du chaos.
Ce programme innovant quand, hybridé, il mixe connaissances, expériences et micro-industrie, compose un objet historique doté d’une forte utilité sociale. D’un côté, il réactualise une théorisation émotionnelle de l’art, de l’autre, acculturant les travaux de Aaron Walter et Donald Norman (cf. Araon Walter, Emotional design, Paris, Eyrolle, 2011 et Donald Norman, Emotional design : why we love or hate everyday things, Paris-Bruxelles, De Boeck, 2012), il s’attèle à créer, loin de l’usinage d’un matériel lourd et complexe mais, tout à l’inverse, dans la création d’un objet quotidien, à la jointure du « Beau et de l’Utile », un thermomètre du « cœur » soudain choqué (ému, dérangé, bouleversé, révulsé etc.) face à l’Art « in progress » ou déjà muséographié.