Le panneau est toujours en panne. Nous constatons la présence d’un nouveau graffiti. Cette fois-ci, les enfants revendiquent cette écriture. C’est pour nous l’occasion de se livrer à des réflexions concernant tous les cas de projets observés et de façon plus large, de se questionner sur la vision de l’espace urbain qui sous-tend à ces expérimentations.
Des risques communs aux projets expérimentés
Soumis aux intempéries météorologiques, aux chocs et aux dégradations causées par les enfants du square ou par d’autres « visites » nocturnes, nAutreville n’a pas résisté aux contraintes données par l’expérimentation en conditions extérieures et par celle de la mise en situation. Le panneau est actuellement toujours en panne.
Comme d’autres objets de mobilier urbain, le projet a dû faire face aux conséquences qu’entraîne l’expérimentation de nouvelles technologies dans l’espace urbain:
– la fragilité. Mise à part le cas de projets portés par des entreprises pouvant assurer une maintenance quotidienne, les projets installés ont dû faire face aux risques de l’installation » outdoor « . Le vandalisme en est un exemple. Le projet « affordance », des assises installées dans les jardins de la Mairie du 12ème, ont subi des casses à plusieurs reprises. Ce qui n’a pas découragé le Mairie à les réinstaller.
– l’indifférence, due au temps d’adaptation aux nouvelles technologies. Souvent ignorés, ces projets innovants, surtout du point de vue technique, ne le sont pas toujours au niveau des usages. La mise en situation de certains projets a mis à l’épreuve leur fonctionnalité. L’observation de la borne muséographique installée à l’entrée du cimetière du Montparnasse, a montré comme celle-ci est presque ignorée au profit du plan papier qui reste l’objet avec lequel les visiteurs se répèrent.
– le détournement d’usage et l’émergence d’usages dérivés. La mise en situation, dans le cas de nAutreville, nous à donné à voir comment l’objet s’émancipe du concept et est soumis à des usages imposés par le lieu spécfique dans lequel il est installé. Pour nAutreville, nous avons constaté que l’usage ludique initié par les enfants prime sur ceux de découverte et d’information, auxquels le panneau est destiné. C’est pourquoi une période de test et de mise en situation dans un milieu est si importante pour l’évolution d’un objet, qui pourrait donc être qualifié d’objet « à continuer dans l’usage ».
La phase d’expérimentation fait partie de ce processus itératif dans la création en design, pour lequel un projet est une forme ouverte, réceptive au contexte d’installation, encore plus quand il s’agit d’une installation dans l’espace urbain.
En résumant les premiers retours des observations, nous ont donné à voir deux comportement qui se produisent dans tous les cas observés: l’appropriation de l’objet, ainsi que le rejet. Ces deux comportements peuvent se vérifier sur deux temps différents.
Dans le cas de nAutreville, nous avons en premier lieu observé la ré-appropraition de cet objet par le biais d’usages dérivées, et ensuite son rejet.
Le 23 avril nous avons découvert une nouvelle phrase à côté du graffiti qui avait été apporté le 6 avril sur le panneau d’affichage annonçant l’installation. Cette nouvelle revandication semble provenir de ceux qui, avant, s’étaient pourtant approprié le panneau: « Nous, les enfants, on voudrait pouvoir jouer dans ce kiosque comme avant ».
Ces réactions nous amènent à nous interroger sur les enjeux de ces expérimentations ainsi que sur la vision de l’espace public qui soutend à ces opérations, et sur ce que veut dire innover.
Attentifs depuis le départ à cette démarche d’enquête sur des projets de mobilier présentant des écrans, nous en mettons en avant leur caractère éditorial. Ils affichent des écritures. Ce qui nous laisse perplexes, c’est que ces écritures fabriquées de façon spontanée par les visiteurs du parc, n’apparaîssent à aucun endroit de ce panneau expérimental, mais sur les support qui existent déjà et qui semblent être un espace de parole, qui met en relation les usagers et la ville.