Plan :
Introduction
Partie 1 : Aujourd’hui…
_ 1) Objets portés momentanément sur soi
_ 2) Objets portés continuellement sur soi
_ 3) L’homme, objet lui-même
Partie 2 : Projection et conséquence pour l’homme
_ 1) Kewin Warwick
_ 2) La biotique
Partie 3 : L’avenir…
_ 1) Jusqu’où aller ?
_ 2) L’identité
_ 3) Homme dématérialisé
Conclusion Depuis quelques années, nous remarquons l’arrivée et l’explosion des outils de communication portable de type téléphone portable, PC portable, et autre PDA. Tous ces objets se transportent sur soi et permettent plusieurs types de communication. Grâce à ces objets et aux technologies émergentes, nous sommes à l’aube d’une véritable révolution des modes de communication et d’interaction avec notre environnement physique.
Mais tout d’abord qu’est ce qu’un « objet communicant » ?
_ Le concept « d’objet communicant » a été imaginé au Medialab, laboratoire du Massachussets Institut of Technology, dans le milieu des années 90 et s’est défini comme le croisement de la miniaturisation des composants et des technologies de traitement de l’information avec le développement des communications sans fil. On a alors imaginé un grand nombre d’applications de la vie quotidienne enrichies de technologies communicantes comme des vêtements communicants, des réfrigérateurs intelligents aux environnements ambiants. Au-delà de la diversification et de l’évolution vers le multimédia des terminaux intelligents mobiles (GSM, GRPS et UMTS) et filaires (PCs, terminaux internet…), des assistants et autres objets numériques personnels (PDA, cartes à puce, appareils photo…), les objets communicants s’apprêtent à envahir notre environnement privé, public et professionnel.
_ Poussé par les progrès incessants de la technologie et de son économie (prix de plus en plus bas) et tiré par les besoins des usagers, ce concept d’objets communicants n’est pas seulement à la convergence des deux mondes high-tech des terminaux et des objets numériques. Il est en fait appelé à diffuser largement dans celui des produits de base de tous types : électroménager, Hi-fi, vêtements, véhicules, objets personnels divers… Ainsi tout objet physique (Ex : la montre, les appareils électroménagers, tous les accessoires que l’on porte sur soi, le mobilier et les objets de la maison et les vêtements…) peut être doté de capacités à percevoir, analyser son environnement et interagir avec d’autres objets, avec un système d’information local ou global et avec le ou les utilisateurs. Tout ceci a pour ambition de nous aider à mieux vivre dans notre environnement en créant, de façon transparente pour l’utilisateur, une relation physique avec le monde de l’informatique et des télécoms. L’environnement va devenir plus conscient, adaptatif, attentif par rapport à l’utilisateur.
I Aujourd’hui…
1) objets portés momentanément sur soi.
Aujourd’hui, il suffit de regarder avec attention autour de nous pour nous apercevoir que nous sommes entourés d’objets communicants au sens large, c’est à dire qui « établissent une relation avec quelqu’un, quelque chose » (Le Petit Robert). La notion de partage est importante car elle suppose un échange, un retour d’information, que ce soit d’un homme ou d’un objet. Dans ce contexte, une télécommande, une carte bleue, un GPS, sans oublier le téléphone portable, l’ordinateur ou le talkie-walkie sont des objets qui communiquent à différent niveau de complexité. Ces objets sont utilisés par tous et dans tous les domaines sans que nous nous imaginions le nombre de communications, d’ondes qui nous entourent.
L’objet qui illustre actuellement le mieux ce concept est certainement le PDA. Celui-ci est principalement cantonné au domaine professionnel, mais il fusionne de plus en plus intimement avec le téléphone portable (Ex : smartphone) et se rapproche du grand public. Par rapport au terminal téléphonique mobile, il apporte une capacité de visualisation beaucoup plus riche, ainsi qu’un environnement logiciel plus ouvert. Nous pouvons le voir comme la première excroissance de nos terminaux mobiles et il permet déjà d’entre apercevoir de nouveaux usages. Il permet déjà de faire du traitement de texte, du tableur, de lire de la musique, de la vidéo, de téléphoner, de lire les codes-barres, de stocker dans des cartes mémoires, de prendre des photos, d’être étanche, d’être équipé du GPS… selon les extensions ajoutées.
Tout ceci reste encore des objets que l’on doit prendre avec nous et qui s’ajoute encore à notre environnement. Pourquoi ne pas utiliser directement nos vêtements portés obligatoirement sur soi au quotidien ? C’est ainsi que des chercheurs de France Télécom R&D ont mis au point une « écharpe communicante ».
_ Il existe deux façons de réaliser la communication :
– la première, recourt aux fonctionnalités classiques du téléphone GSM intégré, qui peut se faire en main libre en utilisant la fonction reconnaissance vocale. Les haut-parleurs et le microphone intégrés dans l’écharpe permettent de dialoguer avec son correspondant.
– une fonctionnalité plus évoluée de communication utilisant la visiophonie. Les images capturées par la caméra intégrée à l’écharpe sont transmises au correspondant.
Au-delà de la diversification de l’offre en matière de PC, PDA, téléphone mobile, terminaux Internet et autres terminaux intelligents, les applications multimédia prévues et les possibilités associées aux technologies et protocoles radio de proximité pour les réseaux domestiques ou personnels pourraient en effet annoncer « l’éclatement » de ces terminaux en différentes parties reliées entre elles par des liens radio et possédant toutes les ressources nécessaires à leur autonomie (cf . réseau Adhoc). On peut se mettre à imaginer ces milliers d’objets répartis dans notre environnement, reliés entre eux par les liens d’un réseau, dynamiquement reconfigurable et sans hiérarchie bien établie, tout objet pouvant être lui-même terminal et routeur. Ces objets communiqueront d’abord à un niveau local mais ils s’étendront très vite aux réseaux classiques pour tisser une grande toile, le « WWWW » : Wireless World Wide Web. La technologie le permet ou le permettra même si certains problèmes sont déjà identifiés : occupation de la bande passante, autonomie des objets en alimentation, congestion des réseaux ad-hoc, sécurité, authentification… Ainsi par exemple, mon écharpe, pour entrer en communication avec ma porte d’entrée, passera par l’intermédiaire de mon PDA, qui donnera l’autorisation d’ouvrir ma porte.
2) objets portés continuellement sur soi.
Tout ce que nous venons de voir sont des objets portés momentanément sur soi, ce sont des objets qui prolongent l’homme, mais il existe des objets que nous porterons continuellement sur soi.
_ En effet, tout ce qui est de l’ordre de l’implant et qui communique d’une façon ou d’une autre avec l’extérieur, c’est à dire notre environnement, peut être pris en compte.
Principalement utilisés actuellement dans le domaine de la médecine et très certainement dans le domaine militaire, les implants peuvent restaurer et sauver la qualité de vie de nombreuses personnes.
_ En effet, pour les paraplégiques par exemple, des chercheurs travaillent sur la restauration du mouvement par la stimulation électrique, musculaire et nerveuse grâce à la volonté du patient. Au contraire, pour les malades de Parkinson, il existe un traitement par électrostimulation réalisé en implantant, dans la zone du cerveau concernée, une électrode elle-même connectée à un pacemaker. La stimulation électrique inhibe de façon réversible l’activité des « noyaux gris centraux », supprimant de ce fait les symptômes les plus invalidants de la maladie.
Pour les personnes atteintes de surdité totale, on développe des implants cochléaires. De plus en plus perfectionnés, ils permettent désormais de recouvrer une partie de la perception auditive. Ces prothèses court-circuitent le système naturel en envoyant directement au nerf l’information sonore après l’avoir transformée artificiellement en signaux électriques. Un premier récepteur électronique, situé à l’extérieur de l’oreille, se charge de transformer la parole en impulsions électriques. Le second, placé sur la cochlée (partie de l’oreille interne), permet de stimuler les fibres nerveuses.
D’autres chercheurs ont travaillé sur les implants cérébraux pour aider les paralysés à communiquer. Ils montrent ainsi l’utilisation d’un implant cérébral qui permet à des singes de déplacer à distance un curseur sur l’écran d’un ordinateur par leur seule volonté. Cette étude montre que les cellules responsables de la planification du mouvement peuvent contrôler ainsi une prothèse.
Dans un autre registre, il existe désormais un contraceptif féminin sous-cutané, qui reste efficace pendant trois ans. Il s’agit d’un tout petit tube implanté sous la peau du bras et qui diffuse chaque jour une dose de progestatif qui bloque l’ovulation. Il faut à peine plus d’une minute pour le poser, sous simple anesthésie locale. De la taille d’une allumette, l’implant se place à l’intérieur du bras, sous la peau, avec une sorte de seringue. Au bout de trois ans, l’implant doit être changé. Le retrait prend trois minutes.
3) L’homme, objet lui-même.
L’avantage de l’implant est qu’il n’y a pas de risque pour l’usager d’oublier l’appareil que l’implant remplace. Cependant, si celui-ci reste réticent à un implant, il reste son propre corps. En effet, son corps pourrait devenir une interface communicante qui permettrait d’être identifiable, étant donné qu’il est unique.
On peut identifier une personne selon différents critères physiologiques, que l’on appelle la biométrie :
– La reconnaissance digitale : il existe déjà des cartes de reconnaissance d’empreinte digitale qui permettent de sécuriser l’accès a un ordinateur portable. Il suffit de presser son doigt sur un petit clavier, l’empreinte digitale est scannée afin de valider ou d’invalider l’accès à l’ordinateur. Ce système exige préalablement, comme les systèmes suivant, un enregistrement des empreintes des personnes autorisées. Le principe est applicable pour tous les systèmes où une autorisation est demandée. En cas de coupure sur le doigt, la machine reconnaît tout de même l’empreinte digitale grâce à un système de physionomie générale de l’empreinte. Au cas où un doigt coupé serait présenté devant la machine, celle ci se rend compte du caractère non vivant de l’organe.
– Le scan optique de la rétine : cette méthode utilise une source de lumière à faible intensité pour scanner les vaisseaux sanguins tapis dans le fond de l’œil, qui sont unique pour chaque être humain.
– Le scan optique de l’iris : l’iris est une partie du corps qui change très peu, il souffre très peu des blessures et de l’usure du temps, il est visible à distance ( contrairement à la rétine), il est unique ( en fait même l’iris de l’œil droit est différent de celui de l’œil gauche). Avec un scanner conventionnel cette méthode fonctionne à travers des lunettes et des lentilles de contacts claires sans avoir à établir de contact direct entre l’utilisateur et l’appareil.
– La reconnaissance de la main : cette méthode est également populaire en raison de sa précision et sa vitesse d’exécution. La main est posée sur un plateau moulé de façon à lui faire adopter la meilleure position. 90 points de vérification sont passés au crible ( la forme 3D, largeur, longueur et épaisseur des doigts, articulation etc.…)
– La reconnaissance faciale : ce système de sécurité réagit à la forme et à la physionomie générale du visage de chaque personne autorisée. Après un enregistrement de l’image des personnes accréditées, chaque fois qu’une de ces personnes se présentent devant la caméra de surveillance un système de reconnaissance basée sur la forme du visage du bas du nez à la racine des cheveux se met en marche.
– L’authentification de la signature : cette méthode utilise un logiciel qui reconnaît l’écriture et la manière dont on écrit ( vitesse, pression exercée sur le stylo…).
_ Toutes ces méthodes fonctionnent selon le même principe : un lieu, un objet, une donnée doivent être protégés pour rester privés. On enregistre les utilisateurs autorisés. Lors de l’identification, la machine procède à une comparaison entre ce qu’elle a en mémoire et ce qu’elle lit actuellement. Elle décide alors, si oui ou non, elle peut ouvrir l’accès.
II Projection et conséquence pour l’homme
La notion d’objet communicant représente une généralisation de ce concept de terminal éclaté qui peut alors représenter tout objet physique ayant ses propres capacités de traitement et de communication.
_ D’une communication de personne à personne, on pourrait alors évoluer vers des communications d’objets à objets, associées ou non à des utilisateurs (par des implants ou non). De plus, la miniaturisation sans cesse plus poussée de l’électronique va transformer en profondeur l’apparence des ordinateurs. Unités centrales et tubes cathodiques encombrants devraient se fondre dans les objets quotidiens et leur apporter de nouvelles fonctions. Cette invasion n’épargne pas l’homme, et la multiplication des puces dans notre entourage quotidien évoque, pour certains, le spectre du Big Brother évoqué par George Orwell dans son roman 1984. L’implantation de petits composants électroniques sous la peau des animaux est une technique couramment employée depuis plusieurs années à des fins scientifiques ou pratiques. Jusqu’à maintenant, plus de 7 millions d’animaux ont été implantés. Pour l’homme, ces « greffes » de l’électronique sur le vivant resteront probablement limitées aux applications biomédicales, du moins pour l’instant. Un homme a ainsi déjà passé le cap : Kevin Warwick.
1) Kewin Warwick
En août 1998, Kevin Warwick, professeur au laboratoire Cybernetix de l’université de Reading en Angleterre, est peut-être devenu le premier homme bionique en se faisant implanter pendant 8 jours une puce électronique dans le bras gauche qui le connectait à tous les ordinateurs de l’université. Cette puce était une capsule de 23 millimètres de long pour un diamètre de trois millimètres contenant une bobine électromagnétique et plusieurs microprocesseurs. L’ensemble constitue un transpondeur ; c’est-à-dire un système électronique capable d’émettre un signal lorsqu’il est stimulé par une onde radio particulière (comme la carte Integrale ou Imagin’R de la RATP). L’expérience, fait partie des recherches sur les « immeubles intelligents ». Ces derniers, grâce à un capteur et à un ordinateur, sont capables d’identifier le transpondeur (et donc son porteur) et de commander le fonctionnement des portes, de l’éclairage ou du chauffage. Ce genre de puce peut contenir des données aussi variées que le numéro de sécurité sociale, le groupe sanguin, le carnet de santé, les qualifications professionnelles, les convictions religieuses et même les amendes pour excès de vitesse. Elle peut aussi remplacer les clés de voiture et les tickets de train.
_ Mais faut-il pour autant aller jusqu’à l’intégrer au corps? Cette option est adoptée depuis longtemps sur certains animaux : suivi des migrations ou gestion des élevages industriels. Pour l’homme, son utilité semble moins évidente, même si le professeur Warwick justifie la greffe de la puce sous la peau par le souci d’éviter la perte ou le vol du précieux composant. À la différence des animaux, l’homme possède généralement des habits munis de poches. D’où on peut voir l’avenir de l’informatique sous la forme de « vêtements-ordinateurs » (wearable computer) assez discrets pour laisser libre l’homme de ses mouvements. (Cf partie I)
_ L’implantation d’une puce sous la peau du bras de Kevin Warwick a bénéficié de l’impact que garantit la crainte de « Big Brother ». Le professeur souligne d’ailleurs que les salariés ainsi équipés pourraient être suivis à la trace par leurs employeurs et ne pourraient « aller aux toilettes sans qu’une machine soit au courant ». Ainsi, l’ordinateur de l’institut savait si Warwick se trouvait à l’institut et connaissait, le cas échéant, la pièce dans laquelle il se tenait, les autres pièces par lesquelles il était passé, le temps qu’il y était resté.
En mars 2002 il a renouvelé l’expérience : il s’est fait implanter dans son bras gauche un implant microélectronique. Directement connecté à son système nerveux, il permet non seulement de détecter à distance l’activité naturelle des nerfs sur un écran d’ordinateur, mais aussi de les activer en retour par l’envoi d’impulsions électriques.
_ — N’ayant trouvé les résultats de ses recherches, je ne peux me référer qu’aux volontés de Warwick avant l’implantation de ce 2ème implant. —
_ Il souhaite étudier les possibilités d’enregistrer des signaux (des signaux électroniques) provenant du système nerveux et liés aux émotions, comme la douleur, pour les stocker, puis les retransmettre au système nerveux. Sa femme, Irena, s’est fait implanter aussi une puce dans le but d’échanger des signaux avec K. Warwick. Son ambition : savoir ce qu’éprouve l’autre, quelles sont ses sensations, voire ses émotions. « Il s’agira de connecter des systèmes nerveux de deux personnes ensemble. C’est extraordinaire comme expérience : si les pensées d’une personne sont directement communiquées à une autre, qu’est-ce que cette autre personne va ressentir ? Si la personne bouge sa main, allez-vous ressentir que votre main est en train de bouger ? Que l’autre personne est en train de penser qu’elle bouge sa main ? C’est une question d’ordre philosophique : quand je pense à la couleur rouge, est-ce la même chose que quand vous pensez à la couleur rouge ? Nous allons pouvoir, techniquement, chercher à répondre à cette question… »
_ L’équipe a donc tenté de capter, de décoder et de reproduire les communications du système nerveux. L’idée est d’intercepter les signaux qui circulent dans le bras au moment où le sujet décide de serrer le poing ou de bouger le pouce, puis de les reproduire artificiellement et de les transmettre à l’implant de manière à ce que le sujet exécute ces mouvements contre son gré.
Kevin Warwick se demande ainsi si la science permettra un jour d’enregistrer l’orgasme d’une personne pour le transmettre à une autre personne. Il considère par ailleurs que « l’être humain est limité » et que la technologie devrait permettre d’améliorer les performances physiques et intellectuelles de l’espèce.
_ Son but final : « il s’agit d’améliorer la communication des humains avec les machines et, à terme, des humains entre eux … et d’étendre les capacités de l’homme. Aujourd’hui, notre activité cérébrale, électrochimique, doit être traduite en mouvements mécaniques – comme la parole – pour être transmise. C’est très imparfait et très lent. J’aimerais que mon cerveau puisse communiquer directement avec une machine ou un ordinateur capable de calculer en cinq dimensions… J’aimerais pouvoir communiquer sans passer par la parole. Je pense que je verrai, de mon vivant, les premières communications de pensée à pensée. »
On se doute de l’importance de ces travaux : s’il se confirme qu’un signal défini correspondant à une activité musculaire ou une sensation peut être envoyé directement dans le système nerveux par une machine, des prothèses pourraient alors rétablir des fonctions sensorielles et motrices perdues à cause d’une lésion dans la colonne vertébrale par exemple.
On se doute aussi que l’armée doit être très intéressée… mais pour d’autres raisons (par exemple capacités étendues des soldats grâce à des entrées sensorielles supplémentaires, nouvelles méthodes de communication avec des semblables ou des machines…)
Cette volonté de fusion avec la machine, se retrouve aussi chez des artistes. Ainsi, Stelarc, un performeur autrichien, explore la relation entre le corps humain et la technologie. A ses yeux, le corps humain est un objet totalement dépassé, tributaire de besoins primaires comme manger, dormir et respirer, et donc plus du tout adapté à notre environnement technologique actuel. Le but de Stelarc est de créer un nouveau prototype d’homme capable de se fondre avec la machine, d’accueillir des implants de technologie pour augmenter ses capacités. A terme, il espère dépasser les limitations biologiques (tendre vers l’immortalité) et être capable d’assimiler, comme le font déjà les machines, toutes les informations qui nous arrivent. Concrètement, il mène des expériences où il mélange son corps avec la machine, il devient cyborg. Il crée des robots où son corps est intégré, s’envoie des décharges électrique pour créer des mouvement dans ses membres, s’implante des sculptures dans l’estomac pour montrer que la peau et le corps n’est pas la limite entre l’intérieur et l’extérieur.
2) La biotique.
Il est possible également, en se concentrant, d’effectuer une tache précise prédéfini par une machine. En effet, des scientifiques européens mettent au point un ordinateur qui capte les signaux électro-encéphalographiques des sujets en fonction des tâches mentales sur lesquelles celui-ci se concentre. Après plusieurs heures, le système repère les pensées quand l’individu les pense, et peut leur attribuer des fonctions. Ainsi, il est possible d’agir mécaniquement et physiquement avec le seul pouvoir de notre pensée. Les applications directes concerneront l’environnement quotidien : le contrôle d’un fauteuil roulant ou l’interaction directe avec les outils de la maison (interrupteurs, appareils ménagers, etc.). Ce système devrait aussi pouvoir s’appliquer à de nouvelles formes de divertissement, d’éducation.
Une autre expérience, baptisé « Brain Machine Interface », financé conjointement par la Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA) et les National Institutes of Health (NIH) est la manipulation à distance d’êtres vivants. Pour l’instant, cette expérience ne se fait que sur des rats, mais une étape à été franchie. En mai 2002, des chercheurs de l’université d’état de New York (Downstate Medical Center) annoncent la création de rats robotisés, des « ratbots », télécommandés à distance grâce à un dispositif stimulant directement leur cerveau à distance. Les chercheurs ont commencé par étudier et modéliser le comportement du rat lorsqu’il est stimulé par des signaux externes : il peut ainsi réagir à certains signaux sonores si ceci sont associés à une récompense, sous forme de nourriture par exemple.
_ A partir de ces modèles de comportement, les scientifiques ont installé directement des électrodes sur certaines régions du cerveau du rat. Le dispositif comprend trois électrodes :
– les deux premières permettent de lui transmettre l’ordre de bouger, de tourner (grâce à des micro-stimulations électriques),
– la troisième, récompense le rongeur en lui procurant du plaisir (via micro-stimulations électriques).
_ Chaque animal équipé de son sac à dos contenant un microprocesseur et des électrodes a été entraîné, à partir d’une télécommande actionnant le stimulus électrique. L’animal a appris à interpréter ces stimuli, d’abord en se déplaçant dans un espace fermé, très simple, puis dans un environnement ouvert. L’animal est parvenu ainsi à se déplacer dans un labyrinthe tridimensionnel très complexe. Le rat, télécommandé jusqu’à 500 mètres de distance, a pu travailler pendant des sessions pouvant durer jusqu’à une heure, tournant, sautant, grimpant au gré des impulsions données à distance par l’opérateur.
_ Pour l’heure, si les chercheurs restent réticents sur des développements éventuels applicables à l’homme, ils soulignent cependant l’extraordinaire potentiel de ces expériences qui, à terme, pourraient aider des personnes paralysées à retrouver une certaine autonomie.
_ Outre son intérêt pour la neurophysiologie, ces expériences pourraient avoir d’autres applications pratiques : utilisation de rats télécommandés pour détecter les mines, pour le sauvetage de personnes dans les ruines d’un bâtiment…
_ Cependant, cette expérience peut faire froid dans le dos. On peut imaginer facilement ce qu’en ferait une personne malveillante.
Toujours dans le médical, une nouvelle génération de pilule est utilisée : la « pilule intelligente » fabriquée au Massachusetts Institute of Technology (MIT, USA). Un implant comporte des réservoirs miniatures remplis d’un médicament et recouverts d’une membrane d’or jouant le rôle d’anode. Sous l’effet d’un faible courant électrique provenant, par exemple, d’un bio-capteur, les réservoirs s’ouvrent, libérant in situ le produit actif. La capsule peut être implantée sous la peau, et le courant électrique programmé par un microprocesseur. Les applications potentielles d’une telle pilule bioélectronique sont nombreuses : libération de substances pendant des durées atteignant plusieurs mois.
On peut imaginer, dans l’avenir, combiner des systèmes de traitement d’information fonctionnant à partir de molécules, avec des polymères servant de base à des textiles intelligents. Cette approche a déjà conduit à la mise au point de vêtements permettant à des médecins de suivre à distance certains paramètres du métabolisme de leurs patients. La communication directe entre le corps et les machines ouvre des voies nouvelles pour le suivi en temps réel des principales fonctions du corps. Les outils de communication seront portés de plus en plus près du corps et en interface directe avec lui. Il est devenu possible de réaliser une interface directe entre le système nerveux, ses vêtements et des machines électroniques.
Ainsi, grâce à la discipline émergente, que Joël De Rosnay a appelée dès 1981, la « biotique » – mariage de la biologie et de l’informatique dans des matériaux intelligents – l’homme entrera en symbiose avec les réseaux d’information.
III L’avenir…
1) Jusqu’où aller ?
En effet, toutes ces avancées scientifiques que l’on vient d’observer sont à double tranchant : suivant l’utilisation que l’on en fait, elles peuvent être bénéfiques ou non pour l’humanité. Question d’éthique : jusqu’où aller ?
Il suffit de voir qu’une compagnie américaine, Applied Digital Solutions (ADS), espère obtenir l’autorisation pour l’implantation sous-cutanée de ses microprocesseurs chez des humains. Ces puces contiennent des informations médicales personnalisées qui pourraient s’avérer d’un grand secours, par exemple aux médecins ou chirurgiens ayant à traiter en urgence des patients trouvés sans connaissance.
_ Comment ne pas voir une utilisation plus « répréhensible » de ce système dans la surveillance des gens au quotidien, dans une société où la connaissance des moindres faits et gestes d’un individu est décryptée et retranscrite pour lui offrir des services ou des produits que l’on est sûr qu’il achètera dans un souci de rentabilité. De plus, si la monnaie n’existait plus et que l’économie du monde serait complètement basée sur la puce, il y aurait un immense marché noir de puces. Il se pourrait que, si l’on extrapole, sans monnaie et aucune autre façon de payer, des criminels couperaient des mains et des têtes, volant les puces des riches…
Donc, à quand la greffe de ma carte Vitale dans mon bras gauche ? ou, à quand la greffe de ma vie privée dans mon bras gauche ?
Il suffit de regarder certains artistes, pour voir que la question pose problème.
_ Nancy Nisbet, artiste canadienne, s’est fait implanter en 2001 une puce dans chaque main, au niveau de la partie charnue située entre le pouce et l’index. « Je m’attends à plus ou moins long terme à la fusion entre l’homme et la machine. En adoptant déjà cela à mon propre compte, j’aurai une meilleure compréhension de ce type de technologie et les menaces potentielles ou les bénéfices quelle représente », précise-t-elle. Un scanner permet de lire l’information que les puces émettent, en l’occurrence un numéro alphanumérique à 12 chiffres déjà utilisées sur des animaux américains.
Elle se fait greffer deux puces et non une, « afin de créer le doute sur sa véritable identité », explique t-elle. En effet, inquiète face à la société Orweilienne qui résulterait d’implants développés par ADS (par exemple) elle souhaite utiliser ses puces comme interface avec son ordinateur et contrôler les traces qu’elle laisse dans le cyberespace. « Je m’intéresse aux réactions face à cette technologie de surveillance. J’essaie, en devenant une sorte de cyborg, de mieux comprendre les connexions entre le corps, l’identité et la technologie », explique-t-elle.
2) L’identité
Nous pouvons désormais êtres implantés et explantés. L’homme peut être réparé, assisté, augmenté.
_ A partir de là, il y a toute une série de questions qui se posent : quelle identité peut-on avoir, qui sommes-nous si nous sommes faits de pièces détachées ? Les fantasmes et les mythes du « surhomme » sont susceptibles de devenir réalité. Jusqu’où peut-on transformer l’homme ?
_ La crainte est le passage de la frontière entre l’homme handicapé que l’on répare et l’homme augmenté. Cette frontière est très fine et on est déjà en train de la franchir. Que l’on répare un homme malade ou handicapé pose à priori aucun problème éthique, mais que l’on commence à mettre de la mémoire en plus dans le cerveau, est-ce aller trop loin ? L’homme a une valeur émotionnelle et on veut essayer de le rendre homme-machine. On va vers un monde avec des gens en kit qu’on transforme et qu’on manipule. Donc, on peut transformer pour réparer mais pas pour augmenter car ça peut amener à un véritable Big Brother. De plus, rapidement la question de l’identité se pose. Quelle est l’identité d’une personne implantée de plusieurs choses ? Est-on la même personne, ou un hybride entre l’homme et la machine? Si je n’ai plus de représentation de mon corps, si j’ai plein d’organes fonctionnels qui se baladent en dehors ou dans mon corps, je n’aurai plus de représentation de moi-même.
Andre Durand est fondateur et Président de la société Ping Identity Corporation, où il mène une réflexion sur le thème de l’identité numérique. Selon lui, il est indispensable de distinguer les trois composantes de notre identité dans l’univers numérique : Personal Identity, Corporate Identity et Marketing Identity.
– La première composante intitulée « personal identity » ou « my identity » est la vraie identité personnelle de l’individu et entièrement sous son propre contrôle. Cette composante de l’identité présente la particularité d’être stable dans la durée. En outre, toutes les personnes en possèdent une.
– La deuxième composante – « corporate identity » ou « our identity » – est différente car elle est conditionnelle et susceptible d’évoluer au cours du temps. On y trouvera toutes les informations qui nous sont attribuées, pour un temps, par un organisme extérieur : numéro de téléphone, titre professionnel, numéro de carte bancaire, etc. Ces éléments peuvent être supprimés ou révoqués à l’initiative de l’organisme émetteur sans recours possible de la part de l’individu. Selon Andre Durand, la plupart des identités numériques appartiennent à cette deuxième catégorie.
– La troisième catégorie – « marketing identity » ou « their identity » – est d’une toute autre nature. Ce sont des identités abstraites telles que « client fidèle », « client à haut potentiel » qui renvoient à des caractéristiques socio-démographiques ou à des comportements mémorisés. Ces identités marketing ont majoritairement vocation à être utilisées dans des segments de population plutôt que dans le contexte d’une communication individualisée.
Bien que critiquable, cette réflexion essaye de clarifier la notion d’identité numérique. Il est certain que la gestion de la relation client s’intéresse essentiellement à la troisième identité, les opérateurs économiques de l’identité numérique à la deuxième, et le particulier à la première.
3) Homme dématérialisé
Il est possible que nous n’habitions plus dans nos corps. Ray Kurzweil, un savant renommé américain pense que « dans 200 ans, très peu de gens habiteront dans un corps ». D’après lui, l’intelligence artificielle et l’intelligence humaine fusionneront dans les années 2020 voir 2030. Les nanorobots seront en mesure d’établir de nouvelles connexions entre les neurones, ce qui augmentera plusieurs millions de fois nos facultés de mémoire. A priori, nous penserons plus vite, nous reconnaîtrons les choses beaucoup plus vite. Notre imagination sera décuplée et nous disposerons de capacités cognitives nettement supérieures. D’après Kurzweil, « il n’y aura plus de distinction nette entre ce que nous appelons êtres humains et machines. Entre l’intelligence purement artificielle et l’être humain uniquement biologique, toute une gamme d’entités verront le jour, certaines beaucoup plus performantes que nous sur les plans de la mémoire, de la rapidité de décision, des sensations, voire des émotions artistiques ou spirituelles. Le cerveau humain est très lent… il a tout juste assez de mémoire pour se souvenir de quelques numéros de téléphone… »
_ Dès lors, où se termine l’être humain et où commence la machine ? L’intelligence humaine fusionnerait donc avec l’intelligence technique pour donner une sorte de super-intelligence ?
_ Toujours selon Kurzweil, nous aurons, bien avant 2099, les moyens de scanner le cerveau humain et d’en enregistrer le moindre détail, chaque connexion neuronale, chaque concentration de neurotransmetteurs, chaque fente synaptique, chaque cellule. Puis il sera possible de le reproduire, le copier dans un ordinateur de capacité suffisante, afin de fabriquer une copie parfaite des pensées, des souvenirs, de tout ce que sait faire la personne dont appartient le cerveau.
_ Dans l’ordinateur, une personne accèdera à l’immortalité, car le corps humain, « support matériel », peut mourir et entraîner dans la tombe toutes les informations contenues dans le cerveau. L’ordinateur est, d’après Kurzweil, beaucoup plus sûr. L’être humain deviendra donc immortel – si l’on accepte qu’il poursuive son existence dans l’ordinateur.
_ Faut-il s’en réjouir ou en avoir peur ?
Dans tous les cas, il apparaît que le processus est enclenché, et que rien ne puisse l’arrêter. En effet, les spécialistes de l’informatique ne s’intéressent actuellement qu’aux immenses possibilités de leur discipline, et pas aux questions d’éthique. Et la recherche ne connaît de frontière ni juridique ni géographique. Un logiciel plus intelligent délivre une plus grande valeur, donc, la concurrence aidant, la fuite en avant est inévitable. Il est impossible de stopper cette évolution sans mettre un terme au capitalisme et à la libre entreprise. Il faudrait supprimer toute compétition économique qui fait avancer l’économie du monde entier. Nous assistons à une évolution impossible à arrêter, qu’elle nous plaise ou non.
Conclusion
Il apparaît clairement que l’engouement de l’homme vis à vis des objets communicants est à double tranchants. En effet, ses objets de plus en plus proche de nous, jusqu’à devenir des objets intrusifs dans nos corps, peuvent se révéler comme un sauveur de qualité de vie, dans un but de combattre une invalidité. Cependant, en tenant compte de la dualité de l’être humain, de ses pouvoirs destructeurs autant que créateurs, ces avancées technologiques peuvent devenir dangereuses et se retourner contre l’homme lui-même.
_ Selon Kevin Warwick, l’être humain est menacé par l’ « ordinateur sapiens » « dont l’intelligence ne tardera pas à dépasser celle de son créateur. L’homme, s’il veut éviter de devenir l’esclave de ses machines, doit, affirme-t-il, multiplier les implants de puces afin de rester dans la course à l’intelligence… »
_ Il y a des questions éthiques qui surgissent inévitablement, même au sein des initiateurs comme Kevin Warwick : il pense « qu’il n’y a plus aujourd’hui aucune limite à l’évolution des robots, ils finiront par atteindre une intelligence bien plus élevée que celle de l’être humain, ce qui soulève un gros problème : comment allons-nous gérer cela ? ». Il apparaît qu’il va falloir décider de quel homme voulons nous devenir.
_ A la fois objet et sujet, l’homme tient entre ses mains, pour le meilleur ou pour le pire, l’avenir de l’espèce humaine.