Sémiotique

Voici la note d’intention de l’intervention d’Aymeric d’Afflon, prévue le 8 novembre 2012 pour le  Master Innovation by design de l’ENSCI

« Le design est aujourd’hui le sujet de plusieurs développements qui ne sont parfois qu’adjacents. D’abord, le design, identifié comme une activité fortement créatrice de valeur, devient une étape prépondérante dans la chaîne de production jusqu’à en influer fortement les processus. Ainsi, ses champs d’action s’en trouvent considérablement élargis, jusqu’à se dissoudre dans la notion plus vaste de “création”, voire de “conception”. Dès lors, il devient le socle de discours intellectuels les plus variés et les plus hétérogènes. Dans le même temps, le développement du design comme valeur sociale conduit à son instrumentalisation, notamment dans les discours publicitaires. De ce fait, le mot même de “design” risque de se retrouver rapidement et fortement désémantisé. Aujourd’hui, il veut tout dire, demain, il ne signifiera plus rien…

À l’ENSCI, la pédagogie consiste à quérir le sens dans l’action, et donc à toujours tâcher d’associer pensée et pratique. Nous nous tiendrons à cet objectif au cours de cette journée de formation à la sémiotique du design.

Nous présenterons donc, d’abord, le projet de la théorie sémiotique, et ce en quoi il est profondément lié au champ réflexif du design. En quelques mots : faire de la sémiotique consiste à établir les fondements sur lesquels se construit le sens. Et contrairement à ce que prétendent de nombreux philosophes ou psychanalystes, ces fondements ne sont pas purement linguistiques… Car, oui, les objets, par exemple, participent à des échanges signifiants, sans qu’il y ait besoin de mots…

Ensuite, ayant considéré la sémiotique comme une ingéniérie du sens, nous ferons quelques exercices de production de pensées innovantes, à partir de jeux sur les modèles sémiotiques existants, et tenterons d’en tirer des conclusions sur le processus d’innovation, et notamment sur la notion de rythme (ou de timing).

Le troisième objectif de la journée sera de développer collectivement nos capacités de description et d’analyse des échanges mis en jeu dans le design innovant, à partir d’exemples pris dans les derniers numéros de M, le magazine du Monde. »

Le semestre s’achève déjà… Voici pour mémoire quelques thèmes abordés au cours des séances 3, 4 et 5, autour de l’axe central de la participation du design aux transformations de nos sociétés :

• L’héritage intellectuel respectif des mouvements Art & Craft, Bauhaus, New Bauhaus, du Style International et des Situationnistes,

• La question de la division du travail et notamment celle provoquée ou conçue par le designer,

• Les articulations et tensions entre évolutions sociales et prises de position des créateurs de formes

• L’impact des connaissances scientifiques sur les systèmes de valeurs

• La ritualisation comme moyen de contrôler les pratiques signifiantes
• L’étendue du rôle du designer dans les problématiques environnementales
• Les liens entre game design et modes de pensées

L’objectif étant de nourrir une réflexion collective sur la capacité du designer à changer le monde dans le sens qui lui semble le meilleur, nous achèverons ce programme par une séance de synthèse et d’actions… Car le sens n’a de forme que partagée !

La deuxième séance du semestre aura lieu ce mercredi 21 avril, de 9h30 à 12h30. Il sera question, d’abord, d’explorer les sources historiques et socio-économiques de l’émergence de la notion de « design » dans les processus de conception, et de présenter les premières réactions que cela a généré, notamment le mouvement Arts & Crafts.

Puis chaque étudiant ayant choisi un thème de recherche nous présentera les premiers produits de sa « pèche ». Les méthodes de recherche de chacun seront mises en commun pour les faire progresser collectivement. De plus, chaque objet ou projet proposé sera l’occasion de mettre en oeuvre des éléments de méthode d’analyse sémiotique des processus signifiants. Enfin, il nous permettra de structurer progressivement, par le débat, le champ d’interaction entre le design et le thème abordé, ce qui fournira de nouvelles directions de recherche.

Pour rappel, quelques thèmes probablement déjà préemptés : mondialisation de l’alimentation / Consommation et surconsommation / Tensions entre cultures locales et culture mondialisée / le travail et le bien-être / Le rôle des objets dans les rituels contemporains /

A mercredi ! (les absents du premier cours sont encore les bienvenus…)

ENSCI – Sémiotique du design – Aymeric d’Afflon

Semestre de printemps 2012

Nous partirons de la question de l’engagement. Le design, pour quoi faire ? Pour transmettre des valeurs, rendre le monde meilleur ? Nous étudierons donc, dans la profusion des propositions actuelles des designers comme dans l’histoire de la discipline, les parti-pris, les principes et les valeurs qui ont guidé la création industrielle et l’ont amenée à concevoir des solutions, produits et interfaces, ayant participé à des combats, ou du moins des projets, engagés dans la résolution des problèmes, des injustices et des malheurs générés et subis par les sociétés humaines.

Entre six et huit entrées axiologiques seront suggérées : l’écologie, la démocratie, la fraternité, l’amour… et leur exploration se fera en fonction des valeurs sélectionnées prioritairement par les étudiants. Nous apprendrons alors à concevoir le design comme une forme stratégique de gestion des tensions axiologiques.

NB : De ces recherches devrait naître un ouvrage collectif destiné à la publication, qui nous fournira l’occasion, dans une seconde phase, d’une part, de travailler sur le livre de design en tant qu’objet, et d’autre part, de prendre contact avec les éditeurs et studios de design pour leur présenter le projet, leur demander les autorisations de reproduction de leurs oeuvres, et peut-être engendrer des collaborations.

Calendrier des séances : 14 mars, 21 mars, 4 avril, 18 avril, 2 mai, 9 ou 14 mai.

Ce jeudi 9 mars 2012, j’étais invité par Noémie Lesartre et Claire Malrieux à intervenir dans leur cours de l’ENSCI, dans le cadre de l’atelier de projet « Informe », plus précisément sur le projet « Surfaces ».

Nous avons exploré cette notion linguistique, sa logique et ses limites, et l’avons mise en relation avec le projet général du cours consistant à utiliser l’énergie du dessin comme outil d’expression des propriétés des « matières émergentes ».

Il serait un peu long de faire une restitution de cette matinée sur ce blog, je propose donc simplement à la réflexion cette définition programmatique des surfaces sur laquelle nous avons conclu : « la surface est l’offrande de la matière aux corps qui l’environnent ».

L’intérêt majeur de cette définition est de faire appel à la subjectivité des objets, des matières, des surfaces. La surface n’est pas seulement un support de communication : elle est l’agent double de la transformation. Qui manipule qui ? Pour le designer, cela peut devenir un jeu : étant donné une transformation à opérer, quelle surface rendrait possible cette transformation ? Ce jeu pourrait aussi être cubiste (comment transformer la 3D en 2D), expressionniste (comment transformer une courbe en cri),  surréaliste (comment transformer le solide en liquide…)

Les surfaces concilient un nombre croissant de rôles thématiques, techniques, sensoriels ou encore esthétiques. Sous le thème des surfaces se cache ainsi un important projet de recherche fondamentale en design des interactions.

Je reviendrai donc avec grand intérêt regarder les rendus, partiels et définitifs, des élèves !

La première séance a porté sur les notions fondamentales de l’approche sémiotique et notamment les règles générales de fonctionnement des systèmes signifiants : structure différentielle ; relation formelle entre plan de l’expression et plan du contenu ; composition polysémiotique de tout discours (c’est-à-dire que tout discours implique plusieurs systèmes signifiants).

Pour la deuxième séance, l’exercice demandé est le suivant :

« Racontez une formidable expérience musicale (ou liée à la musique) que vous avez vécue (ou aimeriez vivre, le réalisme n’est pas exigé), puis analysez-la à l’aide des quatre niveaux du parcours génératif : sensorialité / figurativité / narrativité / axiologie, en suivant ces deux consignes : – Pour chaque niveau, identifiez les systèmes signifiants qui ont structuré cette expérience ; – Cherchez les liens conceptuels, ou éventuellement les oppositions notables, entre les systèmes signifiants, sur chaque niveau et entre différents niveaux. »

Cet exercice est la première étape d’un travail sur les processus de signification dans l’expérience musicale. Envoyez votre texte (400 à 800 mots) par mail (en réponse au mail reçu) avant le lundi 12 décembre à 22 heures.

N’hésitez pas à demander conseil par e-mail, notamment si vous avez été absent lors de la première séance.

Le cours de sémiotique du prochain semestre abordera ces quelques questions : comment le design fait-il sens ? La construction d’un objet signifiant obéit-elle à des règles ? Nous prendrons ce semestre nos exemples dans le champ des pratiques musicales, dont l’horizon immatériel interroge la place de l’objet et son intégration dans les processus signifiants. Quels sont les systèmes de signes utilisés pour permettre l’expression musicale et son partage ? Chaque exemple sera le point de départ d’une étude approfondie du fonctionnement général de ces systèmes. Par exemple, l’exploration des syntaxes du sensible nous donnera l’occasion d’en présenter les caractéristiques collectives et synesthésiques. L’étude des relations entre création musicale et arts graphiques permettra de mieux les comprendre réciproquement. Le cours visera, in fine, à aborder des problématiques d’identités (de marques, de groupes,…) et de design stratégique : comment la redéfinition sémiotique d’un enjeu stratégique peut-elle conduire à des propositions créatives ?

Un mot-moule de saichon !

Proposition de Léa Bardin. Un jeu de tarot à destination des graphistes

Extraits du beau travail de Léa sur les interfaces sensorielles de mesure du temps

Un grand merci à mademoiselle Bardin pour sa présentation généreuse et inspirante.

Bon été à tous !

Voici quelques résultats de l’exercice 5, demandant aux meubles de prendre fait et cause pour… pour quoi, alors ?

- Pour les animaux !

Pour pouvoir mourir comme Jeanne d’Arc…

- Pour que les objets aient droit, eux aussi, à une double vie..