L’innovation dans le capitalisme contemporain et son design

par  Yann Moulier Boutang

Capitalisme cognitif à partir de 1975.
Contexte : ITT puissante aux US. En 1975 elle est divisée (intérieur et extérieur US). Cette 1ère « cassure » entraine une situation de concurrence dans les transports et la communication. A l’origine du développement du numérique. Machine de Turing.
En 1975 on commence à réfléchir réseau.
En 1985 IBM risque le même éclatement et concède ses brevets sur les PC. IBM renonce aux PC. Dell fait les PC. Début du PC qui se développe partout. IBM se concentre sur les très gros équipements et sur le software. Finalement abandonne également le software.
En 1995 l’internet précédé par de longs échanges entre les informaticiens de la côte est et ouest des US. Financement de l’armée pour la recherche. Internet et démarrage du réseau. Cette révolution numérique est représentée par la Lois de Moore. Explosion de la puissance de calcul.
Après le silicium, exploration d’autres matériaux : stockage infra-atomique. Continuité du processus. Ca fait 30 que ça dure et ça ne s’arrête pas. Parallèlement, la supraconductivité pour véhiculer l’information apparaît. Fibre optique. Capacité de véhiculer l’information grandit de façon extraordinaire. La numérisation : transcrire à partir d’un code ascii tt contenu écrit, image ou son en « 0 et 1 ». Et de les traiter de plus en plus vite. Capacité du cerveau remplacé par des fonctionnements de softwares pilotant des hardwares, eux mêmes pilotés par des OS.

Mécanisation et numérisation des opérations cérébrales = dévalorisation des connaissances codifiées ou codifiables (pouvant être traitées d’une manière industrielle). Réduction du rôle de l’industrie (sens du secteur secondaire). Touche le secteur primaire, secondaire et tertiaire.
Autre idée fondamentale : on fait apparaître la définition d’intelligence. La stupidité de l’ordinateur le permet. Se développe la thématique de la créativité et de l’innovation qui porte la valeur ajoutée. Valorisation de l’intelligence par rapport à ce qui est répétable et industriel.
La valeur des biens dans le capitalisme cognitif tient dans les immatériels plus que dans la réalisation matérielle. La valeur se concentre sur l’économie immatérielle (de type 1 et 2).
Type 1 ce qui est codifiable et fait l’objet de transaction marchande.
Elément d’immatériel qui ne sont pas codifiables (Type 2) : c’est compliqué. Capacité de contextualisation de la connaissance. Connaissance numérisée ? Programme d’ordinateur, on ne sait pas ou les mettre : dans les brevets, les droits d’auteur ? Problème quoiqu’il en soit. Contrairement à l’analogique pas de difficulté technique à la copie du numérique. Obsolescence programmée des biens matériels vs la non usure du numérique. Traçabilité des usages ? Fraudes ? >> Difficilement identifiable.
Dans le capitalisme cognitif beaucoup de biens de connaissance. Model des industries culturelles en prend un sacré coup. Indivisible, difficilement excluable.
La croissance : mal expliquée. Il manque la moitié des choses. On a introduit la technique pour expliquer la croissance. Facteurs techniques introduits : la machine. Le progrès est il réductible aux machines d’un côté et à la main d’œuvre de l’autre côté ? Ca n’est pas le cas. Que reste il pour faire de la croissance ? Ordinateur n’est rien sans le cerveau vivant qui interagit avec lui. Si on veut produire des biens nouveaux et de l’innovation, on ne peut pas réduire ça à la consommation d’un temps de travail. L’intelligence : on ne peut plus la mesurer de la même façon ; dans le capitalisme cognitif les temps de repères classiques disparaissent. Dépense énergétique en utilisant ses muscles : repos nécessaire. Un cerveau ne se repose pas. On continue à être actif d’une manière multimodale. Limite quand on demande à qqun d’innover : met il son cerveau sur un autre mode quand il sort du travail ? Non. Interaction continuelle avec d’autres cerveaux. Cela peut être fun mais…consommation d’énergie et de tension nerveuse importante. Tous les travaux cognitifs aujourd’hui sont très fatiguant. L’ensemble de la société commence à être concerné. Sollicitation extrêmement forte de l’activité cérébrale. Droit du travail mal adapté.
Réseau web 2.0 et capitalisme cognitif
Quand les réseaux se contentaient d’être des hall d’exposition…c’était simple.
Web 2.0. Forme qui capte de la réaction de celui qui visite le site. Capitalisme cognitif, il s’approprie une partie des externalités positives des réseaux : celle produite par l’interaction humaine (les « click-worker ») mais aussi la singularisation, l’individualisation de chacun.
« Crowd-sourcing » : connaissance distribuée. Mettre en place des dispositifs qui font apparaitre les ressources cachées. L’entreprise se conçoit comme qqchose de clos, de secret : limitation du champ de vision qui leur interdit de voir à 360°.
19 millions de « click-workers » par seconde pour Google…
Le capitalisme cognitif est donc la forme d’accumulation de moyens matériels et organisationnels qui capture par les dispositifs numériques de type 2.0 une partie des externalités positives résultant de l’activité de pollinisation de la multitude humaine et vivante.
Pollinisation représente un continent de valeur.
Plate forme de captation des externalités positives.

Industries de fabrication/transformation :
Modèle classique : Input >> Productivité >> Output (optimisation des Outputs). Principe entropique de dissipation de l’énergie.
Ce vers quoi nous allons : l’entreprise devient un conglomérat d’activités en tout genre qui change de périmètre tout le temps. On ne sait plus ce qu’est l’entreprise…les frontières de l’entreprises deviennent plus floues. Les employés, les clients, les fournisseurs (très souvent sont partiellement possédés par le donneur d’ordre) sont à la fois dedans et dehors. Double mouvement : externalisation et captation/intégration. Veille technologique et veille industrielle : toutes les formes de surveillance du niveau technologique / s’approprier le plus rapidement possible les technologies émergentes (pour racheter les sous-traitant ou racheter les brevets).
Industrie de captation et de convergence :
Si on incorpore des externalités positives dans l’entreprise on ne les paie pas ou partiellement…Avantage concurrentiel par rapport à celles qui ne le font pas. Output dépend de la capacité à s’approprier les externalités positives et à se débarrasser des externalités négatives.
Plus une économie est confrontée aux problèmes des immatériels 2, plus elle va avoir tendance à vouloir ramener les immatériels 2 en immatériels 1. A les ramener en brevet par exemple…C’est le premier reflexe. Augmenter le portefeuille de brevets.
Les entreprises sont de nature différentes : entreprise de marché global capitalisée en bourse, entreprise de réseau, entreprise apprenante etc. Impact du capitalisme cognitif : les grandes entreprises se transforment. Ces entreprises passent par la soufflerie de la mondialisation. Le comptable donne une photographie du passé, pas très intéressant pour les finances…Le financier a investi des sommes colossales donc ce qui l’intéresse c’est la valeur de l’entreprise. Possibilité de profit ? Ce dont l’entreprise est capable et représente ce qu’elle doit faire. Le financier devient le prescripteur. Exemple de Carrefour : Bernard Arnaud a obtenu la partition de Carrefour en trois morceaux. Séparer pour mieux faire apparaitre les pôles et centres autonomes de profits pour pouvoir trier, et favoriser certains secteur plus porteurs. Identifier dans quel champ l’entreprise va être un « pure player ». Phénomène de déconstruction de l’entreprise (historique notamment). La mondialisation permet effectivement de découper l’entreprise en plusieurs morceaux (fonctionnement et activités différentes en fonction du pays). Stratégie qui a des limites. Hermes par exemple, l’essentiel est fait en France. Hermès refuse de délocaliser (question de la qualité). Si il veut avoir la même qualité à l’étranger cela va lui couter cher. Exemple pour les chaussures de haute montagne : importance de la couture et du fil. Stratégie de délocalisation a ses limites pour les produits de haute qualité. Même si les financiers s’en moquent (pas grave si achat de plusieurs paires de chaussures par an).
La finance sait que ce sont les immatériels 2 qui sont intéressant. C’est l’innovation qui détermine la rupture (breaktrough). Immatériels 2 sont en dehors des livres comptables ou mal comptabilisés quand ils le sont. Les financiers veulent avoir des assurances sur ces immatériels. Les transformer en choses codifiables, immatériels 1 (brevet, marque, dessin, modèles AOC). La pression des financiers : il faut que les immatériels soient traduit dans le bilan d’une entreprise et que la main d’œuvre soit fixée. Comment peut on fixer le salarié ? Une grande partie de la ressource, des « cerveaux » ont un pied dehors. On ne peut pas le faire de façon esclavagiste. Alors comment faire ? Méthode de fixation de la main d’œuvre employée : l’endettement. C’est la méthode « Farwest » qui n’a pas totalement disparue. Autre méthode : transformer les gens en actionnaires. Méthode des « stock option » tout à fait adéquat. Microsoft : Bill Gates dit que si il n’avait installé un système de stock option il aurait eu un turn-over de 80%…D’abord pour les managers puis ensuite pour la main d’œuvre que l’on ne voulait pas voir partir.
Comment les financiers peuvent ils réellement savoir ce que vaut une entreprise ? Il cherche à sortir de la somme des profits actualisés. Il évalue la valeur de l’entreprise (en ce qu’elle n’est pas le profit réalisé) par une espérance de profit. C’est sur cette évaluation du futur que se font les gros gains. La valeur est supérieure à la somme des profits. Stratégie industrielle. Analogie au sismographe : éléments, signaux faibles qui permettent de prévoir des évolutions futures. En Lybie, c’est la finance qui en premier à vu ce qui aller se passer. Spéculation sur le pétrole.
Pourquoi la finance et le web 2.0 se ressemblent : se mettre d’accord sur un prix futur. Prix futur d’un actif actuel. Finance = importance du taux d’actualisation ; plus il est important plus on a confiance dans l’immédiat mais pas dans le futur. Se mettre d’accord sur le prix du futur = spéculation. Dans le cas d’une chose future absolument sure : la méthode, c’est le calcul de probabilité, facteurs objectifs. Idem Keynes : déterminer qui est la plus belle femme du monde par des critères précis. Autre méthode : dire que l’on ne sait pas (pas de critère), très incertains. Que fait on dans le cas d’une incertitude totale et que l’on n’a pas la méthode : on spécule. On fait un concours dans le quel on dit : gagnera le concours celui qui donnera la réponse que le plus grand nombre donnera. Quelle serait la femme qui sera choisi par le plus grand nombre de lecteurs comme étant la plus belle femme du monde. C’est ce que fait la bourse. On est dans l’incapacité totale de prévoir le futur. Keynes dit que quand on prévoit comme cela, on vérifie la formation d’un avis commun sur un futur. Il prend un sens auto-réalisateur. On suppose une afférence particulièrement stupide. Et on dit par exemple : « les prix dépendent des éruptions solaires ». Si tout le monde le croit, on va effectivement le constater. Prophétie auto-réalisatrice. La finance a à faire à la croyance. La finance joue en permanence là dessus. Si tout le monde croit que le blé va monter, il va effectivement monter. Si tout le monde croit en même temps que l’économie d’un pays va bien alors elle va bien. Micro-décisions agrégées qui font changer globalement les choses. Anticipation cumulative : puissance du fait que beaucoup de gens pensent la même chose en même temps. La bourse c’est exactement cela.
Dans le web, on observe la même chose.
Modèles économiques d’économie du capitalisme cognitif : le marché revisité (1)
– L’écosystème versus produit
– Dans une note envoyée à l’ensemble du personnelle, Stephen Elop reconnaît qu’Apple et google ont pris au dépourvu le monde des mobiles en adoptant une logique d’innovation, qu’il décrit ainsi : « La guerre des produits est devenue une bataille entre écosystèmes ;

ceux ci incluent non seulement les matériels et les logiciels, mais aussi les développeurs, les applications, les commerces en ligne, la publicité, les moteurs de recherche, les réseaux sociaux, les services liés à la localisation, l’unification des communications et bien d’autres choses…Nos concurrents ne nous prennent pas nos parts de marché avec des produits mais avec tout un écosystème. »

C’est un modèle C to C.
Les logiciels agiles. Langage Ruby, très proche du langage courant.
Les externalités sont des interactions. Il faut des dispositifs techniques pour capter les interactions. Une fois qu’on les a, on attrape une partie de la pollinisation. Google ne veut pas capter la totalité de nos interactions. 1/10 lui suffit.
Ecosystème versus produit : parler d’écosystème c’est designer un mode d’interdépendance très étroit, un complexe. C’est une autre façon de désigner les externalités positives et surtout de les prendre en compte = la compétitivité (part de marché) hors coût. Ce sont les intangibles. Objectif des entreprises : attirer la « creative class ». Chef de projet autonome.
Les immatériels 2 deviennent la clef de la compétitivité.
Le design de processus dans ce cadre. Le design devient un schéma et un dessein du projet. Partir du design de processus au départ qui aboutit au design d’objet (qui soit en cohérence avec le processus). Le design d’objet peut devenir le pire ennemi du processus.
IBM : le tournant. Devenu une boîte de conseil.

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