En guise d’entrée dans le thème de travail, nous allons établir un bref récapitulatif de ce qu’est la communication, à l’échelle individuelle mais aussi collective, afin d’observer les effets des nouvelles TIC sur la perception qu’a l’individu d’Internet et des réseaux. Ensuite nous observerons les dynamiques d’appropriation de ces TIC (Partie II) avant de nous intéresser aux diverses limites de ces mouvements (Partie III) Tout d’abord, à l’échelle individuelle, la communication se définit comme étant le rapport au monde et à autrui. Elle implique ainsi une logique de liens entre le RÉCEPTEUR et l’EMETTEUR grâce au MESSAGE. La technique est l’élément visible de la communication.
Avec l’arrivée des TIC, l’échange entre les individus semble simplifié. En effet, elles ne font que concrétiser une fois de plus le profond mouvement d’individualisation de notre société, l’émancipation de l’ individu, sa prise de liberté. Ainsi les nouvelles techniques de communication plaisent, séduisent, car elles évoquent l’idée d’ouverture (au monde, en plus), l’attirance pour la modernité, la recherche de nouveaux échanges sociaux, mais aussi le refus de l’omniprésence des médias de masse – en effet, à grande échelle, on rencontre une certaine méfiance de la communication venue « d’en haut », d’un émetteur flou, invisible, on pense à la manipulation, à l’influence, même s’il ne faut toutefois pas négliger la distance critique du récepteur (ce n’est pas parce que je regarde une émission de variétés sur TF1 le samedi soir que j’ y adhère forcément) En résumé, il s’agit dans l’ensemble de modifier les relations sociales. Le succès d’Internet provient surtout des valeurs qui lui sont rattachées : autonomie (liberté), maîtrise (capacité à modifier les notions d’espace et de temps) et vitesse. L’image que le grand public a d’Internet est directement lié à ces valeurs « utopiques », par exemple on dit « surfer sur Internet » ou encore « naviguer sur le net ». On est passé à un média individuel et intéractif (qui donc privilégie et valorise l’individu en tant que tel) ; mais l’omniprésence de l’ordinateur changerait-il radicalement nos rapports humains et sociaux? En réalité, l’innovation technique ne modifie pas le statut général de notre société, car l’essentiel dans un système de communication n’est pas la technique. Bien entendu, l’outil informatique permet de répondre à des besoins en termes de communication mais il n’en est en aucun cas le point de départ. Il vient s’y greffer et engendre de nouveaux comportements, permet des initiatives personnelles, etc. ; mais il est nécessaire de rappeler que ces attitudes sont antérieures au numérique ( voir Partie II) . Ce dernier permet une concrétisation plus rapide (simple, accessible, rapide en vitesse) et amplifie les mouvements. Ainsi dans notre société, l’individualisation, liée à nos modes de vie urbains, conduit à une dissolution par exemple d’un certain nombre de lieux du collectif mais en contrepartie fait naitre de nouveaux « sites » ( càd. lieux virtuels), a priori néfastes au collectif puisque chacun est physiquement seul face à son ordinateur, mais où il se produit de nombreux échanges. De là naissent les communautés et les réseaux. L’usage le plus explicatif et le plus parlant sont les jeux en réseau par exemple. C’est très simple, il s’agit d’une forme de communication (par le divertissement, mais cela va souvent plus loin et donne lieu à la rencontre sur des forums) entre deux ou plusieurs individus interconnectés via leur ordinateur, soit en réseau local, soit en réseau plus global (via Internet).
Qu’est-ce qu’un réseau? Selon Le Petit Robert, il s’agit de l’ ensemble de lignes, de bandes, etc. entrecroisées plus ou moins régulièrement (toile d’araignée), c’est aussi l’ ensemble de lignes, de voies de communication, des conducteurs électriques, des canalisations, etc. qui desservent une même unité géographique et dépendent de la même compagnie. (ex: réseau d’assainissement, de distribution des eaux, réseau ferroviaire, réseau urbain, réseau routier, réseau câblé…) en somme trois types de réseaux à infrastructure « lourde » : réseau de transport, réseau d’énergie et réseau de communication (cf. Pierre Musso dans l’introduction de « Les territoires aménagés par les réseaux »). Enfin un réseau c’est aussi (et surtout pour notre étude) l’ ensemble d’ordinateurs et de terminaux interconnectés pour échanger des infos numériques. C’est sur cette définition du réseau que nous allons nous concentrer pour cette étude: le réseau de communication via les TIC. Par essence, Internet est un entrelacs de « tuyaux » reliés entre eux et qui sert principalement à convoyer de l’information d’une extrêmité à l’autre de ce réseau tentaculaire. Internet regroupe un ensemble de services (le Web, Usenet, FTP, etc.) qui sont liés à des protocoles techniques de communication. Parmi ces différents services, le web est aujourd’hui le plus connu par le grand public et c’est sur lui que se concentrent les enjeux. En effet, il propose des contenus variés qui sont accessibles à tous, à tout moment. Ainsi, l’infrastucture d’Internet, toile planétaire (World Wide Web), est un réseau en soi et fait naître une multiplicité de réseaux interconnectés entre eux, grâce à cette unité de base. Chaque personne connectée est à la fois, émetteur et récepteur; il peut alors consulter le contenu du web, mais également contribuer à sa production.
L’image d’Internet est en train d’évoluer depuis quelques années. Il ne s’agit plus d’un connecté devant un PC, il n’y a plus besoin d’être informaticien ou ingénieur pour se connecter et créer sur le web. Il s’agit à présent d’un service moins « élitiste » qui tend à se démocratiser, à s’ouvrir à un ensemble plus vaste et varié d’utilisateurs. Ces utilisateurs, qui n’ont d’ailleurs plus forcément besoin de posséder une machine à la maison, mais peuvent accéder à des terminaux de manière moins coûteuse dans des lieux publics (cybercafés, stations de métro, bornes situées dans les espaces publiques, à l’exemple des P.A.P.I. à Brest). Ainsi Internet et les nouvelles technologies répondent mieux aux besoins et s’adaptent mieux aux envies des individus et on se rend alors compte qu’il y a une véritable dynamique d’appropriation des TIC et du réseau par les utilisateurs « grand public ».
Cette appropriation, ou dans d’autres cas la non-appropriation, fait apparaitre un certain décalage entre les enjeux (scénarios prévus par les administrateurs ou lors de la conception) et les usages réels. On peut dans un premier temps s’interroger sur ces causes de non-concordance qui aboutissent à des détournements pour le cas d’une très forte appropriation, ou à des échecs, dans le cas d’un non-succès (dans ce second cas, il est possible que le protocole aboutisse à un détournement également et non pas à un échec total càd. à l’utilisation du système à une autre fin que celle prévue initialement). Par exemple, on observe que dans certaines administrations ou entreprises, l’arrivée de l’informatique et d’Internet a été trop « brutale » et a impliqué un trop lourd bouleversement des conditions de travail, auxquelles les employés n’ont pas pu ou voulu s’adapter. Ainsi les personnes peut-être un peu perdues, ou déboussolées, ne s’en sont pas servi à « bon escient », ou de manière peu conforme aux usages prévus pour ce service. C’est par exemple le cas de certains Intranet d’entreprises qui n’ont pas eu l’usage attendu et donc l’utilité professionnelle prévue. En effet, ces outils qui facilitent les échanges professionnels entre les différents services de l’entreprise ont plutôt servi à l’échange entre les employés de discussions personnelles, accompagnées de photos de famille ou de vacances.
En revanche, il y a de réelles appropriations du réseaux à des fins professionnelles « utiles ». L’exemple le plus parlant est le cas des réseaux entre universités. Il s’agit juste ici de mettre l’accent sur cette appropriation quasi immédiate du réseau pour parvenir à travailler de manière plus efficace et plus intéressante, plus enrichissante. Il émerge de véritables réseaux autonomes entre les étudiants, qui échangent leurs opinions, travaillent ensemble sur un projet commun mais depuis des pays différents, partagent et remplissent des banques de données communes. Par exemple, 11 universités américaines ont commencé à se relier pour former le Network Earthquake Engineering Simulation (NEES), un résau d’étude des tremblements de terre. Le but est de mettre en commun les outils de simulation, les bases de données, les systèmes de mesure pour parvenir à mieux comprendre les conséquences des séismes sur les édifices (source: Sciences&Vie – dec.2002 ; ). Même si cette génération d’utilisateurs est née avec Internet, on observera dans la Partie II qu’ils ne sont pas les seuls à contribuer à cette dynamique d’appropriation « par le bas ».
Le décalage entre enjeux et usages des TIC et des réseaux se manifeste également dans l’évolution de certains protocoles, qui à la base prévus pour des usages très professionnels mutent, alors utilisés par le grand public, et inversement. C’est notamment le cas pour le Chat, qui sert au départ à des discussions éphémères entre les connectés, et qui aujourd’hui voit naitre le « chat professionnel » qui est utilisé par exemple pour des réunions entre différents sièges d’une entreprise. A l’inverse, par exemple, le Usenet, réseau informatique créé en 1979 et exploité réellement en 1981, avait comme objectif de départ de stocker des débats. En 20 ans, ce petit réseau réservé à quelques universitaires est devenu un espace de discussion de plus de 30000 forums thématiques. (les archives sont disponibles sur
A présent, nous allons observer les différentes dynamiques d’appropriation des réseaux en nous penchant sur trois exemples précis : les créations personnelles (), les réseaux associatifs ( et ) et le réseau de