Le non usage des nouvelles technologies, un rejet ou un choix? (non finalisé)

« Moi, je ne suis pas pour le moderne. Le matériel moderne, tout marche mal. »
Yvonne a 99 ans et se souvient de la fin de la première guerre mondiale. Elle a cessé d’exercer sa profession d’employée de bureau en 1970, au moment même de l’essor des nouvelles technologies.
« On ne voit pas l’intérêt », « on n’est pas intéressé », « on n’a pas été intéressé » sont autant de réponses que l’on peut entendre auprès des personnes âgées, telles qu’Yvonne, au sujet des technologies et qui mettent en exergue des questions récurrentes aujourd’hui sur l’identité et les causes de l’existence des non-usagers de ces technologies.
On associe fréquemment « vieillissement » avec les concepts de sénilité, incapacités physiques et problèmes de mémoires et faisons des seniors des non candidats à l’apprentissage et à l’usage des nouvelles technologies, de moins en moins incités donc à les adopter. Mais qui sont réellement les non usagers et pourquoi existent t il?
Des peurs se développent à l’égard des machines et des mouvements en réaction à la question de leur légitimité apparaissent.
Quelles sont les causes de ces réticences, de ces points de résistance à l’égard des nouvelles technologies? S’agit il d’un rejet ou d’un choix? Peut on réellement lutter contre l’usage de ces technologies aujourd’hui?

La technophobie, association de « technologie » et « phobie », désigne un rejet, une peur irraisonnée de la technologie. Cependant, il existe différents types de craintes, celle qui est instinctive face à cette nouveauté croissante de la technologie, et celle qui est réfléchie et contre laquelle on tente de lutter.

Voilà une quinzaine d’années qu’Yvonne s’assoit à heures fixes, de 14h à 17h, sur le même banc public. Cette pause rythme ses journées, sauf lorsqu’il pleut, au quel cas elle préfère rester chez soi. C’est une pause dans son quotidien solitaire, durant laquelle elle observe les passants, jouer les enfants et fait parfois des rencontres singulières.

Certains individus tentent de revenir à la vie qu’ils connaissaient avant les NTIC. On parle alors de déconnexion volontaire, stratégie employée par Thierry Crouzet pendant 6 mois, dont il retrace l’expérience dans un livre, « J’ai débranché, comment revivre sans internet après une overdose ». Il choisi de réinvestir les terrasses de cafés et de réapprendre les notions d’attente et d’arrêt, de position « OFF », dans une société où il est question aujourd’hui de « permanence télécommunicationnelle », d’interconnexions et de branchement perpétuel.
Selon Francis Jauréguiberry, l’usage des TIC est intimement lié à notre volonté de maîtriser le temps, dans une société où nous vivons les choses en simultané et en accéléré. De plus en plus, les TIC permettent de faire plusieurs choses à la fois, dans le but de densifier le temps, de le rendre plus fort, plus intense et en 30 ans les choses sont devenues plus rapides, les délais plus courts, les flux plus tendus, les gens davantage pressés.
« L’expérience que nous vivons tous avec ces outils est complexe : d’un côté nous voulons être branchés, avoir des informations en flux tendu et de façon immédiate, être relié par des liens sécurisants, pratiques et apaisants, et de l’autre côté, nous ne voulons pas être sonnés continuellement, contrôlés ou bien dirigés à distance. »
Ce ne sont pas ces outils eux mêmes mais l’usage que nous en faisons qui ont un « impact » sur notre rapport au temps.
Une déconnexion est devenue nécessaire. En effet, selon Jauréguiberry, il s’agit de « ne pas se laisser déposséder de notre propre temporalité, de nos propres rythmes face à une sorte de synchrone universelle ».
Cette logique rétablit donc les notions de durée, de différé, d’épaisseur du temps. Un temps qui nécessite donc l’arrêt, de la mise en distance favorisant ainsi un « retour sur soi ».
Cette peur de devenir dépendant, de perdre le contrôle face aux technologies est donc devenue cause d’une déconnexion volontaire, du choix de s’en défaire.

« Ce n’est pas de mon temps »
Un téléphone fixe, un frigidaire 20 ans d’âge et une télévision vieux modèle sont les seuls traces technologiques que l’on peut trouver chez Yvonne.
Ancienne dactylographe pour le quotidien « le Figaro », elle n’a jamais « touché » un ordinateur en 40 années de retraite.
Les générations qui n’ont pas connu l’informatisation au travail ou à la maison sont généralement des populations spontanément moins équipées si bien que seulement 1% des utilisateurs des réseaux sociaux tels que Facebook ont plus de 70 ans.
On associe souvent informatique et jeunesse et les personnes âgées sont généralement mises à l’écart. Devant un sentiment d’incompréhension et d’impuissance face aux technologies s’effectue alors un désintéressement.
Aujourd’hui, peu d’individus ou d’organisations endossent le rôle d’intermédiaire, de « médiateur » entre les seniors et les nouvelles technologies.
L’artiste Albertine Meunier, à travers son programme de recherche-action « Plus longue la vie », se déploie à faire entrer dans le quotidien de femmes de plus de 70 ans la pratique d’internet, à en montrer l’aspect ludique et pratique dans la vie de tous les jours.
Au delà de cette peur irrationnelle de ne pas être à la hauteur face aux NTIC, on retrouve des craintes liées à des raisons strictement émotionnelles, sources d’un rejet beaucoup moins réfléchi. Le caractère froid et impersonnel que renvoie les nouvelles technologies ainsi que la dénaturation de la dimension humaine de la relation, bien que ces dernières nous permettent de communiquer avec d’autres personnes, y participent.
Certaines personnes âgées sont usagers de cette technologie, par l’intermédiaire d’un tiers où lorsque l’entourage les y a contraint. Concernant le téléphone cellulaire par exemple, il est assez courant d’observer que ceux qui en sont équipés, le sont pour des raisons de sécurité, sont incités à l’utiliser sous la pression de la famille, soucieux de pouvoir les joindre à tout moment.

Aujourd’hui, tout doit être facile et immédiat alors que l’apprentissage est permanent. On assiste à l’émergence de différentes techniques d’apprentissage tels que les séminaires de formation, les conseils, coaching, accompagnement, auto-formation, e-learning, etc…
Mais le refus de l’effort nécessaire à cet apprentissage est bien souvent plus facile. Il devient donc également source d’un blocage et d’un découragement envers les technologies.
Ces peurs face à la machine et aux technologies, celle de perdre son humanité, d’être contrôlé, le sentiment désagréable d’une froideur déshumanisée qu’on leur attribue généralement, le refus de faire les efforts nécessaires à leur apprentissages réguliers, d’en dépendre, sont autant de sentiments négatifs qu’il faut faire s’éclipser progressivement.
Ainsi, les émotions sont sources de nombreuses résistances au changement et l’arrivée rapide des NTIC dans notre paysage quotidien a donc généré chez certaines personnes ce phénomène de rejet, rationnel ou irrationnel, et ce d’autant plus violent que les technologies sont devenues envahissantes rapidement.

Darwin montrait que l’homme devait s’adapter sans cesse à son environnement au risque de disparaître.
Nous devons donc apprendre pour changer et nous adapter et cette nécessité de s’adapter pour survivre a été amplifiée récemment par l’explosion de ces nouvelles technologies.
Ne pas les intégrer dans son quotidien professionnel ou personnel, c’est donc prendre le risque d’un décalage avec son environnement, mais est-ce peut être aussi celui de vivre moins longtemps? La dépendance engendrée par ces technologies, et le manque certain d’une autonomie est probablement la source d’un vieillissement plus rapide.
Pourrions nous donc vivre comme Yvonne, presque centenaire, si nous nous refusions l’usage de celles qui ont remplacé chacune de nos actions quotidiennes?

 

 

Carole-Anne Rivière et Amandine Brugière, « Bien vieillir grâce au numérique »

Serge Guérin
« la nouvelle société des seniors »

Francis Jauréguibery et Serge Proulx
« Usages et enjeux des technologies et communication

« NTIC et Psychologie du changement » par Laurent Dukan

http://80ansconnectes.fr/
web reportage de Marine de Saint Seine et Igal Kohen

http://www.pluslonguelavie.net/Albertine-Meunier

Yvonne P.

Pi-pit phone, un téléphone pour seniors

Toyota travaille sur un genre de concepts d’appareils simplifiés pour les enfants et les personnes âgées depuis juin 2002.
Pi-pit phone ne possède que 5 boutons, 3 permettant de composer des numéros pré-enregistrés et les 2 autres pour décrocher et raccrocher. À terme, un service devrait permettre de pouvoir localiser très facilement une personne âgée grâce à son téléphone. Un carte indiquant l’endroit de positionnement exact du téléphone sera alors communiquée à un proche par l’opérateur.

http://my.reset.jp/~inu/ProductsDataBase/Products/KYOCERA/Pipit-phone/Pipit-phone.htm