Nous commençons la publication des dossiers réalisés par les étudiants dans le cadre du cours de sémiotique du design dont le thème était l’engagement.
Micaela Rava a proposé une réflexion sur la ritualisation comme forme proposée par les designers pour articuler engagement individuel et engagement collectif.
Nous publierons son dossier en plusieurs parties.
L’ensemble des travaux des étudiants constitue une base pour un projet de publication d’un ouvrage sur le design engagé. Merci de me contacter si ce projet vous intéresse.
Partie 1 : QUEL RÔLES POUR LE DESIGN DANS LA RITUALISATION DU QUOTIDIEN?
Cette période de crise et de changement des paradigmes invite à réfléchir sur de nouveaux enjeux pour le designer. Il est désormais impossible de concevoir le design comme une pratique qui n’apporterait que des solutions, toujours orientée vers le marché, et qui s’abstiendrait des questions plus complexes.
Ces moments d’incertitude demandent une réflexion sérieuse sur nos besoins de matérialiser l’irrationnel. Le designer d’aujourd’hui doit être, plus que le créateur d’objets et de services, quelqu’un qui donne du sens aux expériences quotidiennes et qui nous invite à engager une part irrationnelle de nous mêmes à travers ces activités.
Et si l’homme du passé cherchait à combler un besoin nécessaire de symbolique par le biais de rites religieux, dorénavant les (r)évolutions scientifiques et technologiques ont tendance à placer l’individu au centre.
Les signes du quotidien étant la matière première dont se nourrit le designer, ce pourrait être son rôle de proposer des nouveaux rituels qui symbolisent et répondent à des besoins spécifiques, ou de réinventer des vieux rites en les adaptant aux réalités technologiques et aux questions éthiques de notre époque.
Premier exemple : MISCARRIAGE COFFINS de Brigitte Coremans.
Dans de nombreux pays, les enfants morts avant la naissance et âgés de plus de 24 semaines reçoivent une sépulture officielle et sont enregistrés à l’état civil. Enterrer un foetus âgé de moins de 24 semaines représente une démarche nettement plus complexe d’un point de vue légal. Ce sont ces difficultés qui poussent probablement de nombreuses mères victimes de fausses couches à laisser leur enfant à l’hôpital. Il y obtiendra une crémation, sera utilisé à des fins de recherche ou partira directement aux ordures.
Alors que l’on débat vivement autour de la question « quand et où la vie humaine commence-t-elle?», il est légitime de réfléchir à la place donnée aux besoins émotionnels des parents. Ce sujet est trop souvent négligé et traité en silence.
« Coffins for the Stillborn » est un projet conçu par Brigitte Coremans. C’est une série de six cercueils de tailles différentes où chaque cercueil fait référence à une étape dans le développement du foetus, de la première à la 24e semaine de grossesse. L’objet offre la possibilité aux parents de matérialiser le moment de la perte, et leur permet alors de prendre part au processus de deuil ouvert. Ils ont le choix de le ritualiser à leur façon. Si les statistiques qui visent à déterminer un début de la vie humaine sont nécessaires d’un point de vue juridique, nos réalités émotionnelles ne sont jamais aussi absolues.
Prototypes de « Coffins for the Stillborn », de Brigitte Coremans