Level 3. La jeunesse s’affranchit des codes établis
Nous avons vu que la jeunesse se servait d’Internet pour se projeter dans le « monde réel ». Mais si ces amateurs ne voulaient pas devenir des professionnels et entrer dans les codes traditionnels ? S’ils souhaitaient rester connectés dans leur vie de tous les jours ? Un reportage sur Arte nommé Forever Young – Tweet and chat >> diffusé il y a quelques mois montre cette jeunesse connectée qui ne peut désormais plus vivre sans Internet. Une communauté se forme et ne veut plus passer par les codes établis : elle contourne les médias classiques, la radio, les majors de musique où des dirigeants choisissent le contenu. Sans barrière, elle est ainsi libre de diffuser son contenu, ses créations. Et parmi la masse de posts, elle se surpasse pour être toujours plus créative. Dans le reportage, il est souvent question de culture populaire, des années 90 aux années 2000, qui relient cette jeunesse qui pourrait être perçue comme marginale. Mais ces marginaux prennent le pouvoir : avec leur « do it yourself » et leurs créations impalpables connectées ils détournent le traditionnel. Ces amateurs aiment accentuer le côté « home made ». Authentique, drôle et décalé, le quotidien de ces auteurs est accessible aux autres jeunes qui en comprennent davantage les codes. Parce que oui, on peut réellement parler de nouveaux codes dans cette vague : les codes de la culture populaire, de la culture de masse mais aussi les codes de l’art, du luxe, de la mode sont contournés. La jeunesse s’approprie son monde. On pourrait presque y voir ici une sorte de révolte artistique qui prendrait plusieurs aspects numériques comme les Dadas l’avaient fait quelques décennies plus tôt en contre-pied de l’art. Youtube devient un musée infini, une galerie de curiosité ouvert à tous.
Partout dans le monde, les vidéos défilent ainsi sur le net. A lui seul, Youtube possède 800 millions d’utilisateurs, son interface est déclinée pour 25 pays et en 38 langues, 72h de vidéos sont uploadées chaque minute qui passe, et enfin les ~800 millions d’utilisateurs passent 4 milliards d’heures chaque mois à regarder des vidéos sur Youtube (enquête octobre 2012). Des chiffres colossaux, mais inutile aujourd’hui de prouver que mettre une vidéo sur Internet n’est plus réservé à une minorité de geek.
Ainsi, les vidéos amateurs de Youtube défilent, créant des buzzs (ou comment être la star de la semaine avec une vidéo insolite >> cette pépite possède à l’heure où j’écris 3 688 569 vues.) Que penser de ces fameux buzz ? Sont-ils toujours justifiés ? On t-ils besoin d’être justifiés ? Internet devient libérateur, et là où la télévision et la radio censurent, où le musée choisi, il se construit lui-même.
En France, à vingt-cinq ans, Norman fait des vidéos explose >>. « J’arrive à un moment où il y a une faiblesse dans le paysage télévisuel et où les jeunes veulent autre chose. Les jeunes ne regardent plus la télé. » livre t-il au Figaro. Dans sa page web, il publie des vidéos où il parle de sujets divers avec des questions que les autres jeunes se posent, des réflexions sur l’avenir… Drôles. On retrouve cet univers « home made » chez lui avec son chat et ses potes, avec des vidéos agencées dans un site internet lui aussi fait maison. Bien sûr, toujours quand ça marche, le monde professionnel s’y intéresse et maintenant on peut voir Norman donner des interviews dans les magazines, jouer dans des publicités et même passer à la télévision. Fidèle à son site et ses fans, il sait mieux que les producteurs les sujets qui plaisent et connait les codes actuels.
On pourrait venir à se demander quel impact sur le monde « conventionnel » cette révolution pourrait apporter. Si elle chamboule déjà les maisons de disques, les radios ou même la télévision (beaucoup de web série amateurs se retrouvent sur le petit écran), va t’elle progressivement les surplomber ? Le talent doit-il être sélectionné ou s’imposer lui-même sur Internet ? Un des plus grand atouts de ce médium est que personne ne peut le contrôler, ou presque. Une liberté sans limite qui pourrait devenir dangereuse. Là vient la rupture : un jour ces « do it yourself » pourrait remplacer tout le reste (ce qu’on appelle communément « culture »). Et si un jour cette jeunesse attirée par la simplicité du connecté délaissait le cinéma, la littérature, la musique et les arts pour ce nouvel art numérique ? Plus qu’une liberté, on peut se projeter sur Internet en étant qui l’on veut, c’est cela aussi le pouvoir. D’autre part, il est vrai que ce medium est facilement accessible dans les pays développés : mettra t-il davantage en marge les plus démunis ?
Plus optimiste, Internet offre à la jeunesse et à toute la population une liberté d’expression et de création formidable. La jeunesse prend le pouvoir parce qu’elle n’a jamais été aussi soudée dans le monde entier, seulement par un seul outil de communication. Elle s’entraîne et se pousse elle-même à se dépasser et à réinventer la culture, motivée par un nombre de lecteurs illimité à conquérir. Elle se moque des idées reçues et elle repart de zéro. Elle est sincère et se montre telle qu’elle est, peut être pour protester contre une société qui ne nous montre pas tout, un monde surfait ? Lassée d’être dépendante du système, elle crée elle-même et bouscule notre monde.
Récemment, Ou Jiayang, une jeune chinoise de vingt quatre ans, chamboule son pays et le monde entier >>. Sur son blog, elle s’exprime librement et revendique la cause des gays et des lesbiennes mais aussi la liberté d’expression. « Je suis une citoyenne, je suis ici pour défendre la liberté de presse. Pour qu’à l’avenir, les citoyens puissent s’exprimer librement, pour que la voix de la justice et de la vérité ne soit pas enterrée, je dois être ici aujourd’hui et faire entendre ma propre voix. » écrit-elle sur son blog. Celui-ci, parvenant à franchir la censure chinoise, a beaucoup d’impact et a même permis à lui-seul l’année dernière de faire plier la municipalité de Canton qui voulait investir des sommes folles dans des éclairages pour la ville. Sous la pression de la cybermilitante, les fonctionnaires avaient divisé le budget par cinq.
Pour conclure, créateurs, blogueurs ou même militants : même combat, Internet est un excellent porte voix.