Internet : la jeunesse devient une pro

Level 2. Se faire connaître

Comment s’ouvrir au monde aujourd’hui ? La question serait plutôt : comment s’ouvrait-on au monde hier sans Internet ? La jeunesse qui a grandi avec le 2.0, qui a connu MSN et Skyblog, sait que le web est un médium fabuleux pour ouvrir des passerelles. Ceci n’a pas énormément changé depuis, bien que Facebook et Overblog aient surplombé les anciens. Ces nouvelles plateformes de vie ont vu apparaître de nouvelles manières de communiquer et de se faire connaître. Ami ou inconnu, on peut ainsi toucher le plus grand nombre. Les blogs sont ainsi un excellent moyen pour certains secteurs d’activité d’accroître leur notoriété. Ceux-ci explosent dans le monde de la création et notamment de l’illustration où, comme une BD à ciel ouvert, les blogs permettent aux artistes de donner à voir tout leur travail (et parfois leur vie) à leurs lecteurs post-écran. Marie Spénale, vingt et un ans, tient un blog d’illustration qui connaît un fort succès >> :

humour

Pouvez-vous en quelques phrases nous décrire votre blog ? Depuis combien de temps l’enrichissez-vous ?

Mon blog me permet à la base de présenter mon travail et d’avoir des retours dessus. Par la suite, j’ai essayé de l’enrichir en racontant de plus en plus de petites histoires, parfois autobiographiques, parfois complètement fictives. Je tiens des blogs dessinés depuis la troisième, et j’ai ouvert celui-ci au début de mon dma, il y a trois ans environ.

Être illustratrice et vivre sans Internet aujourd’hui, est-ce possible ?

Je ne sais pas trop… Dans mon cas, toutes les opportunités que j’ai pu avoir c’était grâce à mon blog et, lorsque je dois démarcher, c’est avec mon site web. J’imagine que c’est possible de faire sans, mais internet apporte réellement un coup de pouce.

Avoir un blog permet de toucher un large public. Avez-vous des exemples de fans insolites ?

Mes rares fans sont généralement très gentils pour ce que j’en vois ! Après, il y en a qui sont vraiment à fond dans les blogs et qui passent énormément de temps à en visiter, à laisser des commentaires, à se faire de la pub… mais c’est assez rare, ce sont surtout des ados. Le plus cool et intéressant d’un point de vue communauté, c’est quand des gens dont on connait et apprécie le travail se mettent à suivre le nôtre ou à nous donner leur avis.

Des clients viennent-ils directement vous contacter grâce à votre blog ?

Pour l’instant, ça a même été mon principal moyen d’avoir des contrats !

Rajoutez des articles, c’est « fidélisez le client ». Avez-vous moins de visites lorsque vous postez moins d’article ? D’ailleurs, n’est-ce pas une motivation pour créer davantage ?

Oui c’est assez net, les visites doublent ou triplent lorsqu’il y a un nouveau post, notamment grâce aux réseaux sociaux où les articles sont partagés à chaque fois. C’est donc évidemment une grosse motivation pour créer des choses pour mon blog, mais malheureusement je continue à avoir assez peu de temps pour l’alimenter, et donc mes mises à jours comme les visites que je reçois sont assez irrégulières.

On compare souvent le blog au journal intime. Dans le vôtre on peut suivre votre vie. Pensez-vous que le blog est le moyen le plus simple de rester en contact avec son public ?

Je ne sais pas trop pour mon blog mais, quand je lis celui des autres, ce côté journal intime crée évidemment une petite proximité avec l’auteur, que l’on a un peu l’impression de connaître. Du coup, lorsque je passe dans une librairie, je vais jeter un oeil à ses albums, par exemple. Ca ne peut être que positif il me semble !

Avez-vous pu profiter de certains avantages (rencontre, cocktail, buffet…) grâce à votre blog ?

J’ai gagné un prix l’année dernière qui m’a permis d’être invitée au festival d’Angoulème, nourrie et logée ! Et, sur la durée du festival, j’ai eu droit à quelques fameux open bar, c’était plutôt cool. Cet automne, j’ai été invitée à un petit festival de blogs bd et, là aussi, méga soirée open bar, avec des petits fours en bonus ! Et la journée gâteaux et boissons gratuites aussi. Plutôt rentable comme truc. Et tous ces open bar permettent parfois de sympathiser avec quelques auteurs en effet.

Marie Spénale

Pour rester dans le monde du blog, la mode a vu naître grâce au net la venue des blogueuses mode, ou comment refaire le style à coup de photos et de critiques. Tavi Gevinson, quinze ans, est devenue LA blogueuse mode du moment >>. Elle a commencé son blog en 2008. Nommé Style Rookie (Débutante de la mode), elle a créé le buzz et plusieurs millions de lecteurs ont pu le voir. Un blog qui lui a permis aujourd’hui d’être au premier rang des défilés, de créer sa propre ligne de vêtement et de faire la couverture des plus grands magazines. C’est comme si l’adolescente passait du monde virtuel au monde réel, on pourrait même y voir le passage dans le monde des grands, ici des grands de la mode. Ce qui est étrange, c’est que ce sont les grands eux-mêmes qui l’extirpent d’Internet pour la placer sur un podium. Ce système renverse les codes habituels : un artiste se fait connaître par son activité, puis sa vie se retrouve dans les médias. Ici, c’est la vie de l’adolescente qui l’a projetée dans une activité. Le blog : nouveau moteur d’ascension sociale ?

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Tout aussi curieux, le monde des avatars et des jeux en ligne. Ce n’est pas leur vie que ces joueurs en réseaux délivrent sur Internet, c’est plutôt une vie qu’ils se créent. A travers ces jeux virtuels, des stratégies sont déployées, et ce sont autant de compétences qui peuvent être associées à des activités réelles. Lancé en 2004 et réunissant aujourd’hui quelque 12 millions de joueurs abonnés, Word of Warcraft en est un exemple éloquent. Un article compare même cette plateforme de jeu à l’entreprise >>. Une ressemblance qui donne des idées : certaines compagnies américaines viennent recruter leurs employés directement sur Warcraft, attirées par les meilleurs profils de leader. Des profils qui quelque fois cachent en réalité des adolescents de douze ans… (source : intervention du sociologue Stéphane Hugon à la Gaîté Lyrique) Encore une fois, ces jeunes amateurs sont propulsés grâce à Internet au monde professionnel.

Face à ce surprenant engouement, quel est l’avenir d’Internet face à la vie professionnelle ? Plus direct, Linkedin est un site de réseaux sociaux totalement dévoué aux relations professionnelles. On peut embaucher ou être embauché directement via ce site, qui propose de compléter notre profil par notre carrière et même notre CV. Que nous réserve l’avenir ? Verrons-nous tous les profils complets de notre population disponibles sur le net ? En espérant qu’Internet ne devienne pas un jour le seul médium pour trouver un emploi… Face à la généralisation qu’impose Internet, comment se faire démarquer ? Les compétences et le talent suffisent-ils à sortir de la masse ? Le CV numérique ou autre book en ligne changent la donne : les demandeurs d’emploi ne sont plus tous au même niveau. De plus, qui peut sur le net prouver la véracité des informations données ?

Suite aux échanges virtuels, les vrais contacts humains sont alors indispensables. Comme Marie Spénale, le contact direct avec les éditeurs ou même ses fans est nécessaire. Car cette jeunesse propulsée grâce au net ne pourra jamais se couper totalement du « monde réel »… Mais arriverait-elle aujourd’hui à se passer du monde connecté ?