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L’Évolution du modèle familial – Retour d’enquête

L’Évolution du modèle familial – Retour d’enquête Posted on 2 décembre 2020Leave a comment

Face aux évolutions des mœurs et des modes de vie, les schéma familiaux évoluent et se transforment. À ce constat une question succède: les aides sociales attribuées par l’État aux familles sont-elles toujours cohérentes avec cette évolution de la société? À travers une série de cinq entretiens nous souhaitons établir un état des lieux de la situation. Camille et Louna, deux étudiantes en famille recomposée, Léa, une éducatrice spécialisée dans la protection de l’enfance, Dominique, une responsable des bourses dans un établissement scolaire, et Gabrielle, une juge aux affaires familiales, ont accepté de nous partager leur expérience au sujet de cette thématique.

Nous avons tout d’abord discuté de ces formulaires que les familles doivent remplir pour prétendre à des prestations sociales. Ces formulaires semblent à la fois perçus comme réducteurs, quand ils ne laissent pas de place à des situations singulières. Nous avons pu vérifier au cours de nos conversations, que le modèle de famille nucléaire reste le référent de nombre d’organismes. Il en découle un système qui est moins adapté et plus fastidieux pour des familles qui auraient choisi d’autres formes .

“Le formulaire du CROUS c’est un formulaire pour une famille nucléaire classique. Déjà il y a marqué “père”, “mère”, alors que bon, faudrait peut être dire juste responsable légal 1 responsable légal 2 ce serait très bien. et encore mettre le deuxième responsable en parenthèse, le montrer comme optionnel et pas comme quelque chose d’automatique.” LOUNA

“il faudrait simplement que toutes les formes de famille soient prises en compte, même les familles monoparentales, rien que ça c’est déjà pas compris dans la société.” LEA

Mais aussi comme arrangeant quand ils sont suffisamment flous pour tourner la déclaration à son avantage. Et enfin revendicatifs, quand ils permettent d’officialiser une situation qui se déroule dans le domaine de l’affectif. 

“Je pense que la solution c’est pas de faire une case pour chaque cas possibles parce que ce serait trop compliqué, il y a mille cas possible, il vaut peut être mieux avoir des flous plus grands, ou des notions qui sont plus larges” LOUNA

“Je ne pourrais pas vous dire à quoi ressemblerait un système idéal. Dans un premier temps il faudrait déjà simplifier les démarches, je ne comprends pas pourquoi on a besoin d’une quantité de formulaires différents ou qu’on doive se justifier pour X ou Y raison à chaque fois.” LEA

Comme nous le pressentions, les difficultés à représenter certaines familles peuvent compliquer l’accès à la protection sociale et créer un sentiment de rejet de leur réalité auprès des usagers.

“Au sujet de la famille recomposée, les gens se posaient des questions et ne comprenaient pas forcément. quand je parlais de mon frère et ma soeur et qu’en suite je disais que nous n’avions pas la même mère, personne ne comprenait. Expliquer ma famille c’est impossible sans un dessin” CAMILLE

 “je pense que dans tous les champs de la vie quand tu dois à l’école faire des fiches famille et qu’il n’y a pas les cases pour toi c’est super difficile de devoir expliquer ta famille. Arriver à expliciter les liens socio-affectifs mais aussi les liens économiques et en quoi ils ne correspondent pas. Au lycée c’était compliqué de devoir expliquer ma situation et mon rapport avec mon père” LOUNA

“Mon outil c’est majoritairement la discussion. Et en fait ce qu’on essaie de faire en grande partie c’est un génogramme. c’est prendre l’enfant et essayer de tisser des liens sur toutes les personnes qui sont présentes dans l’entourage de l’enfant pour après prévoir les démarches administratives ou économiques, de voir qui participe à quoi. prendre la cellule de l’enfant et établir de manière globale la situation qui existe.”

“je travaille surtout sur les liens éducatif et affectif. Tout ce qui est lié à l’argent, nous travaillons en partenariat avec une association qui s’occupe de l’accompagnement des familles dans la gestion de leur budget.” LEA

 Le passage d’une organisation économique ou d’un lien affectif, de la sphère du pratique vers la sphère de l’officiel, administratif  pose une autre question, celle de la justification des liens et flux qui traversent la famille. Les justificatifs qui peuvent attester de ces liens et de ces flux paraissent souvent décalés du monde administratif auxquels ils sont adressés. (Verbatime ticket de caisse→ pas trouvé c’était ou ?). 

“le CROUS me demande le livret de famille pour prouver que ma mère est bien ma mère car nous n’avons pas le même nom, qu’il y a eu divorce, remariage puis divorce donc quand même, c’est pas si simple. Ça fait beaucoup de papier.” LEA

A la fois je trouve qu’au CROUS ils sont assez réactifs, moi ça m’est déjà arrivé au milieu d’année d’envoyer au crous un avis de changement de situation pour dire que ma mère était au chômage et le mois d’après il changeait le versement. même si à la rentrée ils sont toujours en retard, ils sont assez réactifs le reste du temps” “il ne partent pas du principe que la situation reste stable d’une année à l’autre” LOUNA

“Dans le cas d’un calcul de versement de pension, si une personne déclare ne pas partager ni les charges avec son conjoint, ni un crédit immobilier ou autre, elle va devoir produire des relevés de compte pour le justifier.” GABRIELLE

Nous avons ensuite parlé de solidarité alimentaire, cette obligation de membres de la même famille de se porter assistance. Comme nous le présentions, il y a autant d’organisations de solidarités économiques qu’il n’y a de familles. Cela semble poser assez peu de problèmes aux familles, qui s’organisent économiquement en fonction de ce qui fait sens pour elles. Néanmoins le manque de reconnaissance de ces organisations familiales peut être un problème, quand l’accès à des prestations sociales est calculé sur un modèle ne correspondant pas à la réalité. Il semblerait également que les différents organismes (Droits, CAF, CROUS ..) ne se basent pas, pour leurs calculs, sur la même définition de la famille, et donc sur la même solidarité alimentaire. Peuvent varier également les années sur lesquelles sont indexés les prestations.

“J’essaie, d’un point de vue économique, d’être le moins redevable possible envers mes parents. J’aimerais éviter ce rapport de “dons contre dons”, qui me demanderait de rendre en affectif ce qu’on me donne économiquement”LOUNA

Dans l’autre sens, je n’ai pas envie que moi, mon rythme de vie, il pèse d’une quelconque manière sur le rythme de vie de ma mère parce que j’ai été une charge pendant un certain temps d’un point de vue affectif, pédagogique et économique et maintenant j’ai plus envie de peser de cette manière là et j’ai plus envie d’être quelque chose de positif vis à vis de ma mère. J’estime que ça y est, elle a le droit d’avoir son rythme et sa vie.”LOUNA

“il y a plein de couples mariés qui ne saisissent jamais le juge et se mettent d’accord à l’amiable” GABRIELLE

Les différentes origines des flux économiques peuvent aussi provoquer des inégalités au sein d’une même famille. 

“Je suis très proche de mon demi-frère et on se retrouve sur plein de valeurs même si on a pas les même contextes économiques et sociaux. Du coup je suis très proche de lui et en même temps il y a plein de choses sur lesquelles on ne se comprend pas car on a pas le même univers de vie.”

Conclusion. 

Si les dispositifs de protection sociale semblent prendre de mieux en mieux en compte les évolutions de schémas familiaux, la complexité des démarches et le manque de reconnaissance des situations de chacun engendre des inégalités au sein de la société. Cela se reflète notamment dans des formulaires de demande d’aides sociales encore trop restrictifs. Nous analysons que c’est la traduction de réalités familiales en langage administratif qui ne semble plus adaptée.

 Le langage administratif, des cases et des justificatifs,  semble s’éloigner de plus en plus de familles aux réalités jugées complexes. 

Nous nous proposons de créer un traducteur. Un pont permettant aux professionnels de la protection sociale de mettre un pied dans cet univers intime, et aux familles d’expliquer leurs réalités. Ce formulaire d’un nouveau genre parlera du langage des familles. Il permettrait à la fois de faciliter les démarches des individus aux réalités singulières, mais aussi d’encourager les dispositifs de protection sociale à se positionner plus directement face à ces situations familiales de plus en plus fréquentes. 

Inspirations formelles.

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