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Travailleur-e-s du sexe et/ou victime-s de prostitution ?

Travailleur-e-s du sexe et/ou victime-s de prostitution ? Posted on 2 décembre 2020Leave a comment

Il existe deux grandes catégories de position face au travail du sexe : abolitionniste (pénalisation et victimes de prostitution) comme en France depuis 2016 ou règlementariste (organisation et réglementation) comme en Allemagne.

La position de l’État Français est très claire sur ce sujet (Loi du 13 avril 2016). Leur visée et position sont abolitionnistes : l’État cherche à sortir les victimes du monde de la prostitution.

« On est bien dans cette unique narration donc de la femme victime à sauver. C’est extrêmement problématique parce que c’est pas qu’une représentation : elle a des effets sur le réel car elle créé des lois. Elle se fonde, elle se calque directement sur cette imagerie. »

Marianne Chargois, La Politique des putes (2/10) Stigmatiser

En terme de protection sociale, ielles s’occupent uniquement des victimes de prostitution. Celle des travailleurs-euses du sexe n’est pas de leur ressort ; pour certains-aines, il n’est pas question de prendre part à une discussion ou une action sur ce sujet.

Nous avons reçu une majorité de réponses négatives de la part de représentant-e-s de certains partis (gouvernementaux) autour de la protection sociale des « travailleurs-euses du sexe ».

« Je suis désolée de ne pouvoir donner une suite favorable à votre demande, et je vous rappelle la position abolitionniste de l’État français. »

Nous avons tout de même eu un échange avec une déléguée départementale aux droits des femmes et à l’égalité, qui était très enthousiaste pour nous éclairer sur une de ses missions : le parcours de sortie, proposé aux victimes de prostitution.

Les victimes de prostitution sont suivies par les associations et assistent à plusieurs étapes : apprentissage du français si nécessaire, pole emploi… qui pèseront le poids dans le dossier de validation du parcours de sortie par le préfet. Dans son cas, en Loire-Atlantique, il s’agit souvent de migrantes non régularisées.

Nous apprenons que les instances gouvernementales privilégient des rapports, des partenariats avec des associations et structures abolitionnistes (ex: Mouvement du Nid) et que des frictions peuvent exister avec des associations partenaires nonabolitionnistes (ex : Médecins du Monde – Paloma suite à la loi du 13 avril 2016).

« Ça me met en difficulté, de devoir travailler avec quelqu’un qui est contre le support juridique de mon action. »

DDCS 49/DDFE

Pourtant, on comprend l’importance de ces associations de santé communautaires (qui sont non-abolitionnistes) et le rôle qu’elles peuvent jouer, en tant que médiateur et soutien sous différentes formes pour les TDS.

« J’ai eu un problème avec un client sur la plateforme, dès que j’ai parlé du fait que j’avais contacté des syndicats (STRASS), VTC [ndlr: la plateforme] ont flippé et on arrête de me casser les couilles. »

Orhane, TDS virtuel

Suite à la validation du dossier de sortie de la prostitution et l’attribution du titre de séjour par le préfet si nécessaire, les victimes peuvent accéder : aux chantiers de réinsertion sociale, à des allocations financières, et foyers de jeunes travailleurs (CHRS : Centre d’Hébergement et Réinsertion Sociale).

Enfin, la déléguée départementale nous indique qu’il existe une position hypocrite des forces de l’ordre quand à ce sujet, qui ne réagissent pas, notamment dans des suspicions de prostitution infantile, tant que la directive d’un supérieur n’a pas été donnée.

La situation et prise en charge active des TDS en France est complexe car la situation professionnelle n’est pas toujours déclarée et l’Etat ne considère que la prise en charge et sortie d’activité des victimes de la prostitution. Les subventions de l’État sont donc totalement allouées à ce cas en particulier, et plus précisément aux associations sur le terrain.

Vouloir sortir des victimes de prostitution n’est pas forcément en contradiction avec le fait de considérer le travail du sexe. Orhane, que nous avons interviewé, souhaite autant l’abolition de l’exploitation sexuelle que la reconnaissance de son travail.

« Je suis pour l’abolition totale de l’esclavagisme sexuel : genre les petites mineures ou les migrantes qui sont sur les trottoirs rue de Stratsbourg à Nantes, non. »

Orhane, TDS virtuel

« Moi ce que je souhaiterais ce serait la dépénalisation totale du TDS et des clients. Et peut-être forcément, que ce soit considéré comme un vrai travail : une sécurité sociale, le droit à des congés, le droit à une retraite, tout ça quoi, le droit à des accidents de travail, des droits comme tout le monde ce serait vraiment chouette. »

Orhane, TDS virtuel

Mais comme le dit Sarah Marie Maffesoli, juriste, dans le premier épisode du podcast La politique des putes : si on ne définit pas le travail du sexe comme un travail réglementé, on dénie aux TDS les droits des travailleurs, donc on dénie le droit pour un-e travailleur-euse de ne pas être exploité-e au travail.


Nous avons constaté, suite à cette phase d’enquête, que les décisions prises par l’Etat sur le statut et la reconnaissance des travailleurs-euses du sexe impactent directement et très fortement la vie et la situation professionnelle de celles-eux ci. Cependant la parole des concerné-e-s n’est jamais considérée dans les décisions et négociations.

Peu d’associations de TDS bénéficient de leviers de négociations, hormis celles abolitionnistes, ou alors Médecins du Monde, qui a de part sa position historique, des relations privilégiées avec les pouvoirs publics et organise tous les ans des plaidoyers à propos du travail du sexe.

« On va pas perdre du temps avec des personnes qui ne veulent pas de nous. Le cadre légal est pas fait pour nous écouter. »

Laura Bienaimé, en master Théorie des genres à SciencesPo Toulouse, en contact avec Grisélidis, association de santé communautaire à Toulouse

Il nous semble alors que de nombreux acteurs, primordiaux, sont mis de coté lors de la prises de décisions autour du travail du sexe en France. Le dialogue est rompu, le signal est brouillé entre les différents communicants.

Nous souhaiterions pour la suite développer un outil de médiation, qui permette de créer la discussion autour de différents aspects juridiques, sociaux, politiques de l’activité des travailleurs-euses du sexe, en donnant la parole à celles-eux dont la voix est rarement prise en compte. Nous souhaiterions créer des situations, des points qui permettent vraiment d’aborder des précisions qui sont souvent évincées, sous forme d’un débat constructif. Nous pourrions nous orienter vers le mode virtuel et numérique, permettant de toucher une plus grande population, et de créer un espace sain et anonyme pour les TDS qui le souhaiteraient.

Quelques exemples nous inspirent par leur forme ou leurs outils de débat :

La boite à paroles, outil de débats et discussions à destination du personnel de la CAF du Gard, Juliette Ganteille.

Spectrum, Do all pornstars think the same ?, série de vidéos de débats avec invités, réponses spatiales au question et prédictions Instagram, deux temps de débat, chaine Jubilee

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