Technoscepticisme ou Comment la pensée de Jacques Ellul continue-t-elle d’être pertinente aujourd’hui ?²

Pour savoir si la pensée d’Ellul est toujours actuelle il faudrait réussir à transposer sa pensée et son résonnement dans le monde d’aujourd’hui, avec les nouvelles technologies qui l’accompagnent. Pour cela je vais d’abord énoncer et  développer les quelques mots clefs qui caractérisent le technoscepticisme d’Ellul :

  • L’ambivalence de la technique
  • Le risque
  • L’absence de finalité

L’ambivalence :

                Certes la technique amène du progrès, mais elle amène aussi des inconvénients. Il y a des effets positifs et négatifs au cœur de la technique. Et pas uniquement suivant si l’on fait un bon ou mauvais usage de la technique (« la technique est neutre, tout dépend de l’usage que l’on en fait »).

                Selon Ellul, tout progrès technique a un prix à payer : la société technicienne a voulu une planification pour être efficace au détriment des libertés individuelles. De plus il y a un lien entre la croissance des problèmes et la croissance des techniques. L’innovation technique à amené le Prolétariat et les problèmes écologiques sont dû aux ravages de la technique.

Le risque :

                L’utilisation de la technique a différents impacts : il ya les effets voulus, les effets non voulus mais prévisible et les effets imprévisible.

                Selon Ellul, la pensée technicienne est incapable de penser la technique car elle pense dans le sens du progrès. Lorsqu’apparaissent des dysfonctionnements ou des effets négatifs, elle est incapable d’apporter des réponses réelles. La technique est pharmakon : c’est à la fois le remède est le poison. Si une technique engendre un problème (majeur ou non) une nouvelle technique sera chargée de rectifier le tire. « Les solutions techniques entretiennent le mal qu’elles prétendent soigner.»1 La pensée technique ne prévoit pas du nouveau mais seulement un prolongement ou un perfectionnement de ce qui existe déjà.

L’absence de finalité :

                « On la fait parce qu’on le pouvait ». La relation équilibrée qui existe entre le moyen et la fin – l’utilisation de moyens pour parvenir à une fin – est oubliée. La technique devient sa propre fin. La technique est devenue l’objectif plutôt que le levier. La société technicienne fait passer les moyens avant les fins.

                Jean Luc Porquet, journaliste français travaillant notamment pour le canard enchainé, a d’ailleurs consacré un livre à Ellul : Jacques Ellul, l’homme qui avait presque tout prévu : nucléaire, nanotechnologies, OGM, propagande, terrorisme… aux éditions le Cherche Midi (2012). Il résume ici les 20 idées fortes d’Ellul sur la technique :

  • La technique a récemment changé de nature et forme désormais système.
  • La technique rend l’avenir impensable.
  • La technique n’est ni bonne ni mauvaise.
  • L’homme ne maîtrise pas la technique : elle s’auto-accroît en suivant sa propre logique.
  •  La technique crée des problèmes, qu’elle promet de résoudre grâce à de nouvelles techniques.
  • La technique n’en fait qu’à sa tête, et tant pis pour la démocratie !
  • La technique est devenue une nouvelle religion.
  • La technique renforce l’État, qui renforce la technique.
  • Les transnationales sont les enfants de la technique.
  • Nous vivons sous l’emprise d’une incessante propagande.
  • La publicité et le bluff technologique sont les moteurs du système technicien.
  • Devenue universelle, la technique est en train d’uniformiser toutes les civilisations : la vraie mondialisation, c’est elle.
  • Il ne peut y avoir de développement technique infini dans un monde fini : les techniques épuisent les ressources naturelles.
  • Plus le progrès technique croît, plus augmente la somme de ses effets imprévisibles.
  • La technique s’est alliée à l’image pour piétiner la parole.
  • La technique a avalé la culture. La technique a créé un nouvel apartheid ; elle éjecte les «hommes inexploitables» et les ravale au rang de déchets humains.
  • La technique prétend fabriquer un homme supérieur, mais supérieur en quoi ?
  • Une seule solution, la révolution ! (mais elle est impossible).

 

                Dans ce livre Ellul est érigé comme un prophète des catastrophes actuelles. Ellul nous dit : attention on est en train de se tromper, lorsque la France est bouleversée par le progrès technique. Il nous prévient que la technique est devenue autonome, que c’est un processus sans sujet, que c’est un système et que l’homme est dépassé par ce qu’il a créé. Ellul ne parle pas directement du nucléaire, des OGM ou des nanotechnologies mais il avait prévu qu’il allait se créer des problèmes de plus en plus inextricables. Il assurait : la technique ne cesse de prétendre à résoudre des problèmes. Mais tout en les résolvants, elle crée de nouveaux problèmes qu’elle promet qu’elle résoudra plus tard. On peut prendre l’exemple du nucléaire. Le nucléaire, à ses débuts, était une énergie formidable, propre, bon marché. Mais cette technique a de petits problèmes et désormais des accidents majeures a son actif (Fukushima 2011, Tchernobyl 1986). On ne sait que faire des déchets nucléaire toujours dangereux des siècles après et on se sait pas démanteler un centrale nucléaire (destruction de tous les composants y compris les réacteurs nucléaires).

1 Jacques ELLUL, « Le bluff technologique » p 118

Sources :

http://www.electropublication.net/systeme-technique.html

 

http://www.franceculture.fr/emission-le-journal-de-la-philosophie-jacques-ellul-l-homme-qui-avait-presque-tout-prevu-nucleaire-n

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