Interface numérique : télécommande de télévision

Repenser un objet emblématique de notre relation matérielle au numérique

 Nicolas Henchoz, Directeur, EPFL+ECAL Lab

Des études récentes l’ont encore démontré : les personnes qui utilisent les nouvelles interfaces numériques sont souvent celles qui s’intéressent à la technique. Ceux qui s’intéressent avant tout au contenu et aux services n’y trouvent malheureusement pas souvent leur compte, jusqu’à se sentir parfois exclus par le langage visuel technoïde et complexe des interfaces. Les designers doivent retrouver leur place dans le processus d’innovation et apporter une contribution décisive qui permette de transformer les performances technologiques en expériences pour l’utilisateur. Ce n’est finalement pas l’outil qui est le plus intéressant, mais ce qu’il permet de faire. Du moins pour l’utilisateur final.

Afin d’incarner cette problématique dans un cas très concret, l’EPFL+ECAL Lab propose à un nombre limité d’étudiants de renouveler radicalement l’idée de la télécommande pour les télévisions, dans une idée de simplicité, en jouant sur les matériaux, la typologie de l’appareil, l’interaction et le contexte d’utilisation.

Le marché montre actuellement deux tendances : la première correspond à la télécommande qui pilote tous les appareils et regroupe une quantité spectaculaire de boutons. La seconde prend la forme d’un second écran, type tablette, qui permet non seulement de commander des fonctions, mais également d’afficher des informations sur le contenu et d’offrir un lien vers les réseaux sociaux. Volumineuses et souvent complexes, imprégnées par la culture du plastique injecté et de la performance technologique, ces télécommandes s’inscrivent dans une évolution classique des appareils connus. Pour que l’utilisateur ne se sente pas prisonnier de cette complexité, il convient de lui fournir une alternative : renouveler les codes visuels et fonctionnels de la télécommande. L’idée est de s’affranchir des systèmes complexes pour se concentrer sur les fonctionnalités de base afin de laisser de la place à l’exploration du scénario d’usage, de la matérialité, du langage visuel pour redéfinir notre relation avec ces objets que nous commandons à distance.

L’exploration prendra comme point de départ les connaissances acquises récemment sur la perception des interfaces numériques auprès du grand public, mais aussi des personnes âgées. Il s’agit là bien d’un point de départ et non d’un frein à la créativité. L’EPFL+ECAL Lab, en accord avec les professeurs impliqués offre ainsi un champ créatif très vaste, avec un potentiel d’applications considérable. Cette liberté s’accompagne d’une exigence de crédibilité technique. Les projets devront faire l’objet de maquettes d’ici la fin du semestre, voire d’un prototype fonctionnel, en cas de sélection. Les meilleurs projets seront en effet sélectionnés pour faire l’objet de test auprès de différents publics cibles et d’évaluation. Ils feront également partie d’une grande exposition itinérante, d’un shooting professionnel et d’un catalogue qui seront valorisés dans les médias.

Comme lors de ses grands projets précédents qui ont donné lieu à des expositions à Paris, Londres, Milan, New York, Berlin et San Francisco, remporté des prix importants comme le DMY Festival international de design Berlin et suscité de nombreux articles de presse, l’EPFL+ECAL Lab conjuguera le talent des Ecoles prestigieuses qui ont déclaré leur intérêt à participer à ce projet : le Royal College of Art (RCA) de Londres, l’ECAL en Suisse, l’ENSCI-Les Ateliers à Paris et Parsons The New School à New York.

Ce workshop fait partie d’un programme plus vaste de l’EPFL+ECAL Lab sur les interfaces simplifiés. L’ensemble des recherches puis des tests vise à définir de manière plus générale une approche nouvelle des interfaces pour les médias numériques capable de réconcilier de nombreux pans de la population avec la richesse de leur contenu. Parmi ces publics figurent les personnes âgées, mais aussi, plus globalement tous ceux qui souhaitent s’affranchir d’une société focalisée sur la performance technique pour s’orienter sur le contenu.

Et permettre ici au designer de réaffirmer son rôle essentiel dans une société qui semble évoluer toujours plus rapidement.

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