Télévision et télécommande : une histoire industrielle peu innovante
N. Henchoz, EPFL+ECAL Lab, Yousri Abdeljaoued, Nagra
La première télécommande « lazybones »
Globalement, la télécommande a peu évolué depuis sa création il y a près de 60 ans. La première télécommande, nommée « Lazy Bones » a en effet été développée au début des années 50 par Zenith Electronics. Elle possédait des fonctions simples : ON/OFF, choix du canal et volume sonore. Elle était reliée par un fil à la télévision.
En 1955, la Flashmatic permet déjà de passer au « wireless », par un système de flash lumineux. Qui sera remplacé par un dispositif à ultrason l’année suivante : la « Space Command ».
Dans les années 80, on passe à l’infrarouge, qui confère quelques avantages techniques. Les télécommandes se complexifient en raison de l’augmentation du nombre de canal, mais aussi de fonctionnalités comme le Teletext et la volonté d’intégrer le pilotage d’autres appareils comme le magnétoscope.
Au-delà de ces améliorations techniques, qui témoignent d’une période fortement marquée par la fascination pour le progrès technologique, l’industrie se focalise sur la réduction des coûts de production. On ne s’intéresse guère à donner de statut à la télécommande. Elle n’existe que par ses fonctions. On ne s’intéresse pas à lui donner de valeur en tant qu’objet, même s’il constitue un élément essentiel du quotidien.
Aujourd’hui, de nouvelles formes d’interactions arrivent sur le marché, mais elles sont surtout orientées sur des performances complexes : capacité à piloter tous les appareils audio-visuels de la maison ( Logitech Harmony), second écran avec des tablettes de type Archos, IPad, IPhone, offrant une connectivité et une interactivité complète ( preview, affichage de métadonnées, widgets, réseaux sociaux, etc.) ou encore Sony, avec des fonctionnalités de gaming en relation avec Google TV. Si ces objets nouveaux peuvent avoir leur légitimité, ils ne doivent cependant pas contraindre l’usager à la complexité ( plus de 100 touches, poids et encombrement, alimentation électrique, etc.)
Télécommandes de Sony pour GoogleTV et Peel avec IPhone.
L’usager a besoin d’une alternative à cette évolution : pouvoir disposer d’objets qui ne représentent pas une course à la performance mais permettent d’établir une relation nouvelle au numérique. Ces télécommandes devront offrir des scénarios d’usage inédits mais simples à appréhender, proposer une expérience stimulante s’inscrit dans un contexte culturel et social pertinent. Leur développement peut, paradoxalement, largement bénéficier de technologies émergeantes ( matériaux, systèmes haptiques, etc.) pour autant que ces dernières ne soient pas une finalité et ne perturbent, ni ne complexifient les usages. Cette génération de télécommande a pour vocation d’être complémentaire aux tendances « lourdes » actuelles.