Séance 09

En présence de Sophie Pène, chaque étudiant a exposé son compte-rendu individuel, analyse de son carnet de terrain.  Présentation suivi d’une intervention de Béatrice Fraenkel (Directrice d’études, équipe Anthropologie de l’écriture, IIAC-EHESS/CNRS):  » Les écritures exposées ». 

Béatrice Fraenkel, nous a présenté la notion d' »écriture exposé » qu’elle a développé à l’occasion d’une mission de recherche à New York en 2001 : juste après l’attentat du 11 septembre les murs de la ville sont recouverts d’écrits.

De ces observations est issue la notion d' »événement d’écriture », construite sur trois entrées:

  • La lisibilité, en ville on peut lire à plusieurs et à distance ;
  • La visibilité, souvent on ne lit pas ce qui est en ville, ce que nous remarquons, sans  forcément lire, c’est la présence d’un écrit, d’où la notion de niveaux de lecture en relation au mouvement;
  • La publicité, il s’agit d’écritures qui se trouvent dans l’espace public, soumis donc à des normes.
    Une intervention spontané sur les murs de la cité est perçu comme un geste politique, une réaction, réglementé par la constitution.
    Pour exemple, une enquête a montré que dans le quartier du Marais à Paris, les langues différentes du Français sont proscrites des enseignes (comme le chinois, l’hébreu,…), le patrimoine dicte les règles de cette zone « vitrine » de la capitale.

Dans le cas des écritures exposées nous devons donc tenir compte des normes de contrôle de l’espace et prendre en compte que nous sommes dans un « espace disputé » (Isaac Joseph, 1998). 

Une discussion a lieu sur les situations d’écriture et lecture en ville et sur la posture que nous prenons face aux écrans numériques en ville.

Des retours : l’impression que face aux écrans observées, nous sommes dans la même position qu’une personne spectatrice de la publicité (= écriture imposé qui provoque souvent un sentiment de rejet) même si les contenus sont différents. D’autres types de projets (B. Fraenkel cite la Serpentine de Pierre Di Sciullo), mettent le lecteur par contre dans une position qui offre le droit d’imaginer un écrit qui est seulement suggéré, qui suscite le désir d’interaction, qui valorise nos facultés, capacités de regardeur.
L’oeil du regardeur est d’ailleurs stratégiquement sollicité pour empêcher les graffitis par exemple, les graphistes créent des obsessions visuelles comme pour marquer une zone privé qui dissuade toute intervention « sauvage ».

Sophie Pène nous suggère ensuite un lien : l’initiative de trois jeunes libanais qui en jetant un objet graphique sur les trottoirs de Beyrouth (un tract) font appel à la conscience écologique des citadins. L’action qu’ils ont conçu est particulièrement originale : remplacer les tracts, qui n’ont plus le moindre impact, par des faux billets de 10.000 livres (environ 5€) sur une face et au recto, un court texte qui dit : « Exactement comme vous avez ramassé ça, vous pouvez ramasser les ordures qui traînent par terre. »
S. Pène souligne parallèlement le fait que cette action est « numérique » c’est à dire qu’elle n’aurait pu être pensé dans une autre société que celle du numérique, le numérique rend possible ce type de démarche.

Des échanges à ce sujet suivent, ceux-ci devraient nourrir nos prochaines propositions.

Nous retenons plusieurs suggestions comme celle de travailler à partir de scènes particulières observées au cours de l’enquête, un album permettant de regarder le présent autrement, de penser à ce que l’on voudrait amener dans le futur, quel genre de ville nous voulons ?

Nous gardons à l’esprit que nos propositions se situent en ville et non dans un espace sans qualité. Nous réfléchissons à des propositions « situées » (mises en situations) dans la ville.

Références Bibliographiques:
JOSEPH I., La ville sans qualités, Éditions de l’Aube, Paris,1998.
FRAENKEL B., “Les écritures exposées” in revue Linx n°31, 1994.
FRAENKEL B. , Les écrits de septembre, New York 2001, Textuel, Paris 2002.

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