Echange avec Célina Whitaker (AequitaZ)
Pourquoi travailler sur la protection sociale ? Dans quelle perspective ? Qu’est ce que le collectif « Pour une protection sociale solidaire » (comprenant Le secours catholique, la fédération des centres sociaux, AequitaZ, et le réseau des Accorderies).
- Des associations qui accompagnent des personnes qui sont à la marge.
- Qui vivaient le fait que, malgré les initiatives qui ont pu être prises en matière de lutte contre l’exclusion et d’accès aux droits sociaux, la précarité continue de gagner du terrain et le système de protection sociale ne répond pas aux besoins des plus pauvres.
- Qui se sont dit qu’elles ne pouvaient pas juste réfléchir aux dispositifs qui concernaient directement leurs publics. Qu’il il fallait aussi avoir une image plus large de la protection sociale. Si on n’a pas cette image, on subit le scénario de marchandisation progressive et on se retrouve toujours dans une posture défensive.
On a donc un constat de départ : - un système de protection sociale qui est un acquis important. Il est notre façon de mutualiser des ressources de protection, et c’est le seul patrimoine des plus pauvres
- des coups de butoir d’un libéralisme pour qui le seul credo est le privé
- des trous dans la raquette qui touchent les personnes et catégories les plus fragiles
- un système qui doit aussi suivre et s’adapter enjeux et problématiques sociales. (cf histoire de la protection sociale)
- Et la volonté de repenser ce système pour qu’il réponde aux enjeux d’aujourd’hui dans une perspective de justice sociale (on s’intéresse à tout, y compris aux budgets, mais dans cette visée là)
La démarche en carrefour de savoirs
Cette démarche est la conséquence directe de la visée :
- répondre aux enjeux d’aujourd’hui
- justice sociale
- C’est à dire qu’il s’agit de comprendre ce qui se joue, de faire apparaître les impacts positifs et négatifs du système, les besoins de protection, avec une attention particulière aux inégalités en fonction de la position dans l’échelle sociale.
- Du coup, pour cela l’idée est d’adopter une démarche en mélange de savoirs. (difficile d’utiliser le terme croisement car il a été préempté par ATD pour un certain type de croisement) mais c’est quand on croise les « savoirs savants » (issus des sciences sociales, de l’histoire, de l’économie), les « savoirs professionnels », techniques, vécus par les « faiseurs » du système de protection sociale, et le « savoir des gens » , c’est-à-dire la compréhension subjective, humaine, fondée sur l’expérience vécue des citoyens, des salariés, des retraités, des allocataires ou des malades,
- Il s’agit de donner des valeurs équivalentes à ces différents savoirs
- C’est à dire ne pas survaloriser le savoir savant, mais ne pas non plus survaloriser le savoir des gens.
- Tout en ayant une attention particulière aux personnes aux marges (cf politiques de discrimination positive).
- Il s’agit de penser métissage des savoirs
- Tout le monde peut parler de sa vie, qu’il soit en situation de pauvreté, chercheur ou expert.
- De la même façon, chacun peut, à sa mesure, essayer de comprendre et d’analyser, l’histoire, le budget, les modes d’organisation de la protection sociale.
- Et se rendre compte que ce croisement et cette immersion réciproque dans les savoirs des autres sont sources de savoirs nouveaux.
- Donc dans les carrefours de savoirs,
- les chercheurs ne parlent pas uniquement à partir de leurs recherches,
- les militants à partir de leurs valeurs
- et les personnes pauvres à partir de leur expérience de pauvreté.
- Les savoirs sont métissés.
- tantôt on se penche ensemble sur des savoirs statistiques (étymologiquement, des savoirs d’État), tantôt sur des savoirs scientifiques et tantôt sur des savoirs issus de nos vies. Les personnes qui traversent une situation de pauvreté ne sont pas limitées à cette expertise.
- L’intelligence est véritablement collective et partagée.
- Donc dans les carrefours de savoirs,
Des points clé de la démarche.
- Sachant que ce n’est pas exactement ce que vous aurez à faire (construire un carrefour des savoirs et l’animer!)
- mais il y a des choses en termes de posture et de forme d’approche
- qui peut aider pour cette interaction en particulier avec les personnes qui sont à la marge, qui n’ont pas l’habitude d’être écoutées et entendues.
— Créer la confiance et les conditions de l’égalité dans la parole et la pensée.
- Le « principe d’égalité politique » dans la prise de parole avec une attention aux inégalités de situation. Ce qui veut dire deux choses
- que l’on peut poser des questions, il n’y a pas de question bête, toute question est utile à tous.
- mais aussi que ce qui sera dit par chacun sera considéré et analysé de la même façon que le reste, en termes analytiques. Et non seulement comme témoignage de raisonnements élaborés ailleurs.
- La « bienveillance » : on peut ne pas être d’accord, mais on n’est pas d’accord avec l’idée, et pas avec la personne.
- La « documentation », la collecte de la parole. C’est le matériau indispensable à la réflexion et à l’analyse. Surtout, ce n’est pas une simple illustration. Ça suppose donc des outils de collecte adéquats, ça veut dire aussi une totale rigueur dans le recueil des paroles des personnes. On a trop tendance à écouter et puis à retranscrire avec nos propres mots. Ça, ce n’est pas possible.
- et toujours vérification avec les personnes si elles sont OK avec ce qu’on a retranscrit.
- Être clair sur l’objectif, ne pas laisser de flou (en particulier pour les personnes en situation de précarité
- On est en recherche
- et pas en solution (on écoute et on prend en compte les problématiques, mais on ne va pas chercher à résoudre le problème de telle ou telle personne dans le groupe
- ce qui veut dire que la personne est OK pour cela
- ce qui veut dire aussi qu’on peut voir avec elle après, trouver une possible orientation qui puisse l’aider.
– Une approche par la vie.
- Toujours commencer par le concret des vies que par interroger le système. « Ce que je vis, ce qui coince, ce qui marche…. »
- Puis passer à un regard plus large sur la problématique
- Exemples carrefour sur le confinement
– Des outils qui aident à penser
- Les métaphores, faire un détour par un autre sens pour
- comprendre
- exprimer son idée
- arriver à faire un pas de coté pour penser
Exemple : les kaplas
Exemple une image qui représente ce que je vis concernant….., dessiner mon logement et y indiquer ce qui est important à prendre en compte….
Exemple les 5 peaux de Hundertwasser
- La poésie et les contes qui nous accompagnent, qu’on décortique ou pas, qu’on met en lien avec ce qu’on travaille. (pour nous, ce serait quoi ? Quels sont les obstacles ? Quels sont les leviers trouvés dans le conte ?).
- Savoir adapter le programme et s’adapter en fonction de la dynamique en cours.
- Laisser le vide pour que la pensée chemine
- Adapter et s’adapter : dans les outils, dans les pistes qui s’ouvrent
(ça veut dire avoir deux ou trois questions dans la besace)
- Porter le fil rouge : être en capacité de redire ce qui s’est dit et de faire des propositions pour faire un pas de plus.